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nom. De même une corporation ou plusieurs réunies offrent une bannière avec inscription louangeuse, ou un parasol d’honneur au mandarin qui a su se faire apprécier de ses administrés ; elles prennent part à la réfection de la route où doit passer un cortège impérial ; elles font porter des bannières pour les processions et cérémonies religieuses populaires.

Un culte spécial est sinon l’une des raisons d’être, du moins l’un des liens de la corporation. Chacune a son patron ; pour l’une, c’est le dieu de la richesse, pour l’autre Koan Yu, dieu de la guerre ; pour d’autres un esprit de compétence plus limitée, tel que Lou Pan, merveilleux mécanicien du temps de Confucius, aujourd’hui patron des charpentiers. Adoré dans chaque boutique par tous les patrons et commis, le génie protecteur a ses fêtes célébrées par toute la corporation à dates fixes. Pour les unes on offre, dans chaque magasin, un sacrifice, c’est-à-dire des mets et de l’encens, après quoi un banquet, auquel l’esprit est censé avoir pris part, réunit les chefs et les employés ; pour les autres, plus rares, le sacrifice, plus copieux, se fait dans un temple ; le banquet des patrons se fait dans une vaste salle, où des acteurs leur jouent des pièces historiques entremêlées de scènes comiques contemporaines. La fête se prolonge tout le jour, quelquefois davantage ; l’on s’y divertit, on boit, on parle aussi d’affaires privées, et l’on agite les questions qui intéressent la corporation. Au sacrifice et au banquet, à la religion et aux réjouissances, la Chine joint habituellement la représentation théâtrale et l’assemblée de discussion. Cette religion ne comporte sans doute rien que l’on puisse appeler de la foi, mais elle est toujours présente à l’esprit du Chinois, il pense qu’il est bon de se mettre en règle avec des personnages doués d’une puissance mystérieuse et que l’on contente non sans frais, mais en s’amusant soi-même.

Le calendrier, ainsi ponctué par les fêtes spéciales de la corporation, l’est encore par les grandes fêtes populaires, où le culte général et le culte du patron ont leur place marquée côte à côte ; ce sont les fêtes du renouvellement de l’année, du 5e jour de la 5e lune, du 15e jour de la 8e lune. On les appelle les trois termes, et ce sont en effet les dates d’échéance pour les marchands comme pour la population. Il n’est pas utile que j’insiste sur tout le mouvement des paiemens et des recouvremens, sur tous les règlemens de comptes et d’inventaires, qui les précèdent et font de la 12e lune particulièrement la période de grande activité commerciale.