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chargé de surveiller les pesées ; malgré l’évidente bonne foi de la corporation et la modération de sa requête, les étrangers refusèrent. Toutes les transactions furent suspendues, l’autorité officielle déclara qu’elle ne pouvait obliger les marchands à vendre contre leur désir ; au bout de quelque temps, les maisons étrangères cédèrent une à une, malgré les retentissantes déclarations qu’elles avaient d’abord faites.

Comme elles défendent les intérêts de leurs membres, les corporations surveillent aussi les agissemens de ceux-ci ; elles S’opposent aux fraudes qui nuiraient au bon renom de l’association ; bien plus, les orfèvres en argent pur ne tolèrent pas que l’un d’eux vende des bijoux en alliage, même au su du client. Quelques corporations veillent à l’acquittement régulier des droits de production et d’octroi, et par là méritent les bonnes grâces du fisc. D’autres vont plus loin, et, pour mieux maintenir la stabilité des maisons, défendent toutes ventes et tous achats fictifs : la plus grande partie des opérations de bourse et bon nombre d’opérations commerciales, qui nous semblent toutes simples, ne seraient pas tolérées. Il y a quelques années, l’usage de marchés à terme s’était cependant introduit au marché à l’argent de Péking ; un censeur, voyant là une forme de jeu, signala le fait, et ces opérations furent interdites par le gouvernement, exemple bien rare d’intervention officielle. C’est par suite des mêmes préoccupations que la corporation des banquiers s’enquiert du total des billets émis par ses membres ; tout banquier, tout changeur même est libre d’en émettre, et les précautions exigées par la loi, n’étant pas prises sérieusement, restent illusoires ; la corporation a, pour arrêter les émissions exagérées, un seul moyen qui est infaillible : si une maison se laisse entraîner et risque de compromettre le bon renom, parfois aussi le capital des autres associés, un mot d’ordre est donné, tous les billets sont à la fois jetés dans le public, et la banque imprudente ne tarde pas à suspendre ses paiemens et à disparaître.

La corporation maintient encore sa réputation et ses bons rapports avec les pouvoirs publics par des dépenses de faste ou de charité. Chaque hiver, elle verse une somme pour l’ouverture de ces fourneaux où l’on distribue aux pauvres de Péking une bouillie claire de riz ou de millet ; en cas de famine, d’inondation, les cotisations des corporations ne se font pas attendre, ce qui n’empêche pas les commerçans notables de contribuer largement en leur propre