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close, avec sa cour et son grand arbre, avec la pièce principale orientée au sud, ne s’y sentirait pas à l’aise. Aussi ces constructions n’ont-elles d’autre destination que le commerce ; rien n’y est fait pour le plaisir des yeux, dallage simple, murs tendus de papier commun, comptoirs et rayons de bois brunis par l’usage ; le mobilier se compose de tables carrées en bois verni rouge, de fauteuils droits à gauche et à droite des tables, de tabourets carrés ; quelques coussins, des théières et des tasses, des pi thong pour les pinceaux, des abaques complètent l’assortiment. Tout est propre, mais usé, noirci et poli de vétusté ; même chez les plus riches marchands de soie ou de thé règne une simplicité qui, à nos yeux, touche à la pauvreté. Les marchandises sont soigneusement empaquetées par crainte de la poussière, le grand fléau du nord ; lorsque le commis aveint un article, il époussette soigneusement le paquet avant de l’ouvrir. Tous les paquets sont rangés sur les rayons ou dans des coffres, munis d’étiquettes annonçant les articles et leur prix, étiquettes qui sont écrites en signes abrégés, connus des seuls marchands et variant d’un commerce à un autre : grâce à ce bon ordre, le commis trouve toujours sans tarder l’objet qu’on lui demande. N’oublions pas de noter dans un coin une petite niche, au fond de laquelle est collée l’image du dieu de la richesse ou de tout autre patron céleste ; matin et soir, on s’incline et on lui offre une allumette d’encens ; les jours de fête, on lui sert un repas plus copieux.

C’est dans ce magasin qu’évoluent les commis, assez nombreux ; dans une boutique de moyenne importance, il est rare d’en trouver moins d’une demi-douzaine. Ils sont tous semblables ; entre les patrons, commis, courtiers, apprentis, porteurs, l’œil a peine à saisir une différence ; même similitude d’une boutique à la voisine, d’un commerce à un autre. Il n’y a pas de livrée comme celle des commissionnaires de nos grands magasins ou comme le costume spécial de plusieurs corporations japonaises. Le Chinois, en effet, ne connaît d’autre costume distinctif que l’uniforme officiel ; le mandarin dans la vie privée, le laboureur ou l’artisan endimanchés, le marchand, le domestique ont toujours vêtemens de même coupe, de couleurs analogues, seule la qualité des étoffes est différente ; chez les marchands ordinaires, chez les gens de moyenne aisance, c’est toujours la longue robe de toile bleue, parfois presque noire, parfois blanche ou grise en été ; par-dessus, on porte le khan kiai eul, sorte de caraco sans