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étalent leur fonds sordide sur une natte grossière, les restaurateurs en plein vent qui débitent leurs fritures et leurs vermicelles ; il y faudrait ajouter mille autres métiers forains, et tout un grouillement de foule, dont nos boulevards à Noël peuvent donner l’idée.

Ce ne sont là que les infiniment petits du commerce et, en Chine comme en Europe, ces métiers de la rue montrent la moindre partie du développement économique. Toutefois il est plus juste de comparer la Chine aux pays voisins qu’à l’Occident : or, loin d’être un trait général des sociétés d’Extrême Orient, l’importance du commerce est un caractère spécial à la Chine. Séoul, qui a copié de si près les capitales chinoises, a aussi ses éventaires portatifs, ses étalages en plein vent : mais la boutique n’y existe guère que sous cette forme, c’est une cahute faite de matériaux mal joints, une galerie de bois placée devant la maison, empiétant sur la rue. La boutique vraiment japonaise ne vaut pas mieux, la propreté à part, que la boutique coréenne : c’est toujours une simple annexe au logement, parfois une maison privée à peine aménagée pour cette nouvelle destination. Quant au magasin vaste et bien construit, approprié aux affaires et signalé au public par une enseigne bien visible, il n’est ni coréen, ni japonais d’ancien style. En Corée comme dans le Japon féodal, le marchand est un homme de classe inférieure, taillable à merci, ne pouvant demeurer qu’à distance respectueuse du château seigneurial ; l’état social trouve son expression dans le mode de construction, dans l’aspect de la ville. En Chine, au contraire, loin de se cacher, le commerce s’étale ; quelques pas dans une rue montrent une suite continue de devantures et de comptoirs, et cette place en vue qu’ils occupent aujourd’hui, il semble que les marchands l’aient depuis longtemps ; quelques siècles avant notre ère, le marché où se réunissent et où habitent les commerçans, est, d’après les rites, une partie essentielle de la capitale, au même titre que l’autel des dieux protecteurs, le temple des ancêtres et le palais du roi : culte, monarchie et commerce étaient dès lors les trois termes où se résumait la vie urbaine. Aujourd’hui, les boutiques se montrent plus que les yamens et que les bonzeries. Elles sont signalées par des enseignes voyantes, il en est d’horizontales au-dessus de la porte, de verticales suspendues aux deux bouts de la devanture ou dressées sur des piédestaux de pierre ; elles sont habituellement en bois, fond rouge ou fond d’or, avec