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cinquième pétition au Sénat impérial, qui passa, sur le rapport du baron de Crouseilhes, à l’ordre du jour. Mais rien ne lassait leur patience et ne décourageait leur ardeur. En 1862, une sixième pétition fut transmise au Sénat. Dans l’intervalle, un nouveau scandale avait éclaté. Deux malheureux, Buffet et Louarn, condamnés pour vol qualifié, le 1er avril 1854, par la cour d’assises du Finistère, aux travaux forcés, l’un à perpétuité, l’autre pour vingt ans, avaient protesté tous les deux de leur innocence jusqu’à leur dernier soupir. Le premier était mort au bagne de Brest en 1855, le second à Cayenne en 1859. Après quoi, les vrais coupables étaient découverts et condamnés, le 21 janvier 1860, par la cour d’assises de leur département, trop tard pour que le procès pût être révisé. Toutefois, si ce terrible incident frappa la magistrature et le barreau, l’affaire Lesurques passionnait exclusivement l’opinion populaire. Aussi, quand le Sénat eut passé pour la seconde fois à l’ordre du jour sur la pétition des héritiers, la question fut posée bruyamment, sous la forme la plus concrète, au Corps législatif.

Trois amendemens furent soumis à la commission du budget en 1864. Les deux premiers tendaient au même but : ouvrir au ministère des Finances le crédit nécessaire pour rembourser à la famille Lesurques 54 584 fr. 35, somme égale au montant du vol de l’an IV. C’était la restitution, non plus de ce que le Trésor avait indûment touché au delà du chiffre des condamnations pécuniaires, mais du montant même de ces condamnations : par là, le pouvoir législatif aurait indirectement annulé l’arrêt que le pouvoir judiciaire ne pouvait pas réviser. Le troisième amendement, signé par MM. Darimon, J. Favre, de Janzé, Terme, de la Guistière, Clary, était ainsi conçu : « Les auteurs demandent que le gouvernement s’engage à présenter, à la prochaine session, un projet de loi modifiant l’article 443 du Code d’instruction criminelle et permettant, morne après la mort du condamné, la révision de l’arrêt de condamnation dans les cas prévus par ledit Code. » Les termes de cette proposition parurent trop impératifs à la commission du budget, qui refusa de l’adopter, mais crut devoir la signaler « aux méditations les plus sérieuses du gouvernement, » et les conclusions mêmes de ce rapport furent votées par 160 voix contre 47. M. de Parieu, vice-président du Conseil d’Etat, ne laissa pas clore la discussion sans donner une demi-satisfaction au Corps législatif : « Le gouvernement, dit-il, a été