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trop aisément sacrifié la chose jugée ; l’optimisme révolutionnaire avait fait trop bon marché des erreurs judiciaires : le Code de 1808, prenant un moyen terme, admit trois cas de révision.

Premier cas. — Deux condamnations sont inconciliables. — On avait transcrit à peu près textuellement l’article 1er du décret du 15 mai 1793, que j’ai cité plus haut. Par exemple, deux hommes (ce cas s’est présenté souvent) ont été condamnés pour un vol commis sans aucun doute par une seule personne, ou bien comme auteurs de blessures faites par un seul coup de fusil[1]. Au contraire, il n’y a pas lieu de réviser si deux jugemens ont déclaré quatre accusés coupables du même crime, quand il n’est pas établi que les auteurs de ce fait sont en moins grand nombre[2], car les condamnations ne sont plus inconciliables.

J’épargne au lecteur l’exposé des difficultés techniques que souleva l’interprétation du nouveau texte[3]. Je me borne à constater que la commission du Corps législatif avait proposé d’étendre, dans cette hypothèse même, la faculté de réviser au cas de décès d’un des condamnés ou des deux condamnés. Le Conseil d’Etat repoussa la proposition, sous prétexte que la révision était impossible, si l’affaire n’était pas de nouveau jugée à l’égard des deux condamnés. Or, il n’y avait pas moyen de rouvrir les débats, si l’un des deux n’existait plus : comment choisir entre eux, comment décider, hors des voies ordinaires, lequel des deux était vraiment coupable, sans discussion contradictoire, quand les meilleurs élémens d’une conviction solide se seraient évanouis ? L’objection était faible. Toutefois le rapporteur du Corps législatif consentit à la trouver décisive, et le Code de 1808 resta, sur ce point, en deçà de l’ancienne législation pénale.

Deuxième cas. — Après une condamnation pour homicide, des pièces sont produites, propres à faire naître des indices suffisans sur l’existence de la prétendue victime.

La Cour de cassation peut alors désigner, par arrêt préparatoire, une cour d’appel, pour reconnaître l’existence, l’identité de cette fausse victime, et « les constater par tous les moyens propres à mettre en évidence le fait destructif de la condamnation[4]. » Cette fois, on admettait, par exception, qu’un condamné

  1. Voir l’arrêt de la Cour de cassation du 23 janvier 1855.
  2. Arrêt du 9 vendémiaire an IX.
  3. Art. 443 du Code d’instruction criminelle.
  4. Art. 444 du Code d’instruction criminelle.