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quand même on aurait attaqué l’un ou l’autre sans succès au tribunal de cassation. — Art. 2. Si c’est le même tribunal qui a rendu lesdits jugemens, il sera compétent pour en ordonner la révision et renvoyer à cet effet les accusés devant le tribunal criminel le plus voisin, sur leur propre demande ou sur la réquisition du ministère public, lequel sera tenu en pareil cas d’agir d’office pour faire ordonner la re vision. — Art. 3. Lorsque lesdits jugemens auront été rendus en des tribunaux différens, l’accusateur public ou les parties intéressées en instruiront le ministre de la Justice : celui-ci dénoncera le fait au tribunal de cassation, qui cassera, si les deux condamnations ne peuvent se concilier, les jugemens dénoncés, et en conséquence renverra les accusés en un même tribunal criminel le plus voisin du lieu du délit, mais qui ne pourra être choisi parmi ceux qui auront rendu lesdits jugemens. »

La grand code Des délits et des peines, présenté par Merlin à la Convention expirante, et promulgué le 3 brumaire an IV[1], avait-il abrogé ce décret ? Oui, d’après un jugement du tribunal criminel du Bas-Rhin du 1er nivôse an VIII ; mais le tribunal de cassation cassa cette décision le 9 vendémiaire an IX. Cet arrêt, bien motivé, ne laisse subsister aucun doute. Une théorie de la révision, très imparfaite, il est vrai, subsista donc dans notre législation jusqu’à la promulgation du Code d’instruction criminelle, en 1808.

Le conseiller d’Etat Berlier, homme habile et qui pratiquait avec dextérité l’art des transactions, expose dans les termes suivans la pensée du législateur impérial : « Longtemps on a cru que toute révision, quelque plausible qu’en fût le motif, était incompatible avec l’institution du jury. Cette crainte eût été et serait encore légitime s’il s’agissait de généraliser la révision et de l’appliquer hors un petit nombre de cas où il y a soit erreur évidente, soit du moins une juste présomption d’erreur. Qu’y a-t-il donc à examiner en ce moment ? Si la révision, ainsi restreinte, est juste et praticable... Car tout excès serait nuisible et, sans les limites tracées avec sagesse et précision, ce ne serait plus la justice appliquée à quelques espèces, mais l’arbitraire planant sur toutes et tendant, sous de frivoles prétextes, à tout remettre en question. L’écueil a été aperçu et évité. » L’ancien régime avait

  1. Sur les 646 articles que comptait ce code, 599 traitaient de la procédure criminelle.