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aux actes. C’était bien là ce qu’un véritable homme de guerre, Rohan, qualifie, d’un mot expressif, « une défense tremblante dans une ville qui ne valait rien. » La Reine n’avait pas, autour d’elle, plus de quatre à cinq mille hommes. C’était à cela qu’aboutissaient l’agitation et les discours de ce beau parleur de Marillac. Les contingens du duc d’Epernon et du duc du Maine étaient toujours annoncés ; mais on les attendait toujours. Autour de la Reine-Mère comme sur le terrain, autant de têtes, autant de chefs. Et puis, ceux d’entre ceux qui pouvaient être des hommes d’action avaient, dans le dos, le froid regard de cet évêque qui était leur maître à tous et qui négociait toujours, quand les autres risquaient leur peau. Cela n’avait rien d’engageant. Le comte de Soissons, jeune et brave, n’avait ni autorité ni expérience. De ses lieutenans, Vendôme n’avait pas de cœur, Nemours pas d’esprit, Boisdauphin était tombé en enfance. Marillac parlait toujours et en était encore à expliquer les mérites de son fameux plan.

Angers est situé un peu au-dessous du confluent de la Mayenne et de la Sarthe, à cinq kilomètres environ de la Loire. La ville est reliée à la Loire par un chemin plat qui aboutit au grand pont qui sert de passage sur le fleuve : le Pont, ou plutôt les Ponts-de-Cé. C’est un point stratégique d’une importance capitale : c’est là que Dumnacus défendit le passage de la Loire contre les armées de César. Entre Nantes et Amboise, il n’y avait pas, au XVIIe siècle d’autre passage sur le fleuve. Sa possession décidait donc des communications entre le Nord et le Midi, pour tout l’ouest de la France. Entre Angers et les Ponts-de-Cé, le pays est plat, légèrement bossue par les pentes qui séparent la vallée de la Mayenne de la vallée de l’Authion, petite rivière qui va se jeter dans la Loire aux Ponts-de-Cé, en faisant un angle très aigu, sur la rive droite du fleuve. Au delà de la Loire, le pays est mamelonné, couvert de vignes, avec des moulins tournant leurs bras sur les coteaux. Dans le fond de la vallée, la Loire coule lentement et, après avoir reçu l’Authion, traîne, parmi les îles sablonneuses, ses eaux endormies : c’est sur ces îles que sont construits les Ponts-de-Cé.

C’était, à cette époque, deux grands ponts d’inégale longueur, l’un du côté d’Angers, le plus court, et l’autre du côté de Brissac et de la campagne, sur le bras méridional de la Loire, plus long d’un tiers. Le passage sur les ponts pouvait être intercepté par