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qui, ayant vu tout plier devant elle et ayant forcé les troupes de la Reine, qui étaient venues en pointe à la Flèche, à se rabattre sur Angers, se trouve, à son tour, campée à la Flèche, le dos à Paris, la face à Angers. Dans le camp du Roi, on voit arriver encore les négociateurs, Bellegarde, l’archevêque de Sens, et le président Jeannin, qui font la navette entre les deux armées, tandis qu’à l’autre bout, l’archevêque de Bordeaux, Sourdis et l’évêque de Luçon négocient, pour la Reine. L’entêtement était tel, du côté de Marie de Médicis, qu’ils n’avaient pu conclure et qu’ils n’apportaient encore qu’une espérance. L’évêque de Luçon, peut-être par finesse de négociateur, n’en paraît pas trop fâché. Il écrit, en effet, le 2 août, au cardinal de Sourdis, une lettre qui, sans révéler le moindre doute sur le résultat final, n’indique non plus aucune envie de capituler à tout prix : « Le Roi est au Mans avec ses troupes et fait état de nous venir épousseter comme il faut. Toute l’espérance de traiter est rompue ; ces messieurs n’en veulent point ouïr parler. En cette extrémité, nous sommes résolus de faire ce que doivent faire des gens à qui la nécessité apprend à se défendre et qui y sont confirmés par la justice de la cause d’une si grande et bonne princesse comme est la Reine. Je crois que vous devez mettre le meilleur ordre qu’il vous sera possible à Loches et, cela étant, je me promets que vous voudrez être de la fête, tout en venant ici. »

Par un effet qui se produit presque immanquablement, cette vigueur, devinée chez l’adversaire, ébranlait le favori du Roi, au milieu de ses succès. Luynes était plein d’alarmes ; quand les négociateurs furent arrivés à La Flèche et qu’ils eurent rendu compte de leur mission, en promettant de conclure sous un très bref délai, il était d’avis que l’on suspendît les opérations pour leur laisser le temps d’achever leur œuvre. Ce fût encore le Roi qui intervint, pour trancher de son autorité propre. Il dit : « Je ne vous demande pas de résoudre présentement si je dois attaquer ou laisser Angers ; il faut, premièrement, que je sache si la Reine, ma mère, y demeurera ou si elle s’en ira. Si elle quitte Angers et qu’elle se retire en Poitou, il faut jeter le fourreau de nos épées dans Loire ; si elle y demeure, nous aurons la paix bientôt. » — Et il ordonna les quartiers, pour le surlendemain, à trois lieues d’Angers.

Du côté de la Reine-Mère, la vanité des préparatifs et la fatuité des chefs militaires apparaissaient au fur et à mesure qu’on en venait