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et 100 chevaux : M. de Bouillon 3 000 hommes et 300 chevaux ; M. de Longueville 4 000 hommes et 400 chevaux, et, ainsi de suite. La Reine était inscrite pour 8 000 hommes et 800 chevaux. C’était, au total, une armée de 50 000 hommes et de 5 000 chevaux, qui n’avait qu’à marcher sur Paris, et s’emparer de la capitale sans trouver aucune résistance devant elle.

Au début de juillet, quand on avait reçu les premières nouvelles de Paris, c’est-à-dire la fuite de la comtesse de Soissons et la décision du Conseil royal, c’avait été un premier émoi. On s’aperçut qu’on avait perdu du temps. On s’agita beaucoup. On envoya des ordres et des émissaires de toutes parts. On délivra des commissions. On tint conseil sur conseil. Le moment parut bien choisi pour rédiger un manifeste qui proposait une refonte générale de tout le royaume. L’évêque de Luçon, qui met peut-être quelque affectation à dire qu’il ne fut pour rien dans sa rédaction, eut toutes les peines du monde à empêcher qu’on ne publiât, en même temps, un autre mémoire où « la liberté et l’aigreur » dépassaient vraiment ce qui était permis, dans l’état de faiblesse où l’on se trouvait. Si on l’en croit, il avait, dès lors, peu de part aux conseils. Il se retirait sous sa tente et laissait les autres s’empêtrer à plaisir. Il est certain, en tous cas, qu’à partir de ce moment, il prend l’attitude d’un homme qui se prépare une issue. Il avait compris la portée de la décision prise par le Roi. Dès que celui-ci se mettait en marche, la partie était perdue. Il n’y avait plus qu’à sauver ce qui pouvait être sauvé.

Le 3 juillet, il prononça, devant la Reine, un discours qui serait le plus sage des avertissemens, si l’on pouvait se fier à une rédaction qui n’a été imprimée qu’après les événemens : « Madame, lui aurait-il dit, il y va de votre conscience ; il ne se trouvera aucun de vos fidèles sujets qui vous conseille de vous bander contre votre fils, ni de maintenir les mécontens en leur opinion ; les plaintes qu’ils vous peuvent former sont de peu de poids ;… Voici, madame, ce que mon devoir avoit à vous communiquer et, puisqu’il a plu à Votre Majesté de m’élire en sa personne, il lui plaira vouloir me pardonner et considérer que les armes ni la force ne triompheront jamais d’un Roi qui a les anges de Dieu pour garde, et que votre contentement ne dépend que de votre unanime consentement afin que, tous deux, en une même intelligence, vous puissiez régner heureusement et longuement en paix. »