Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/744

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

produisit un effet prodigieux. Toutes les objections cessèrent. Le conseil fut unanime. On ne songea plus qu’à préparer « le voyage du Roi. » Tant est grande la force d’une décision, quand elle émane de celui qui a la responsabilité ! On dirait que les événemens se rangent d’eux-mêmes, pour faire place à une volonté arrêtée. C’est avoir réussi que de savoir ce qu’on veut.

Et le Roi n’avait plus qu’à réussir. Tous les vœux raccompagnaient dans sa brave et généreuse entreprise. On recueillit encore, de lui, un mot qui se répandit rapidement et qui donna confiance à tous. Au moment où il sortait du Conseil, le sieur de Raullet, grand prévôt de Normandie, se présente à lui, et lui dit qu’il ne devait point aller en ladite province, qu’il n’y trouverait que la révolte et le déplaisir. Le Roi lui répondit : « Vous n’êtes pas de mon conseil. J’en ai pris un plus généreux. Sachez que, quand les chemins seraient tout pavés d’armes, je passerai sur le ventre de tous mes ennemis, puisque je n’ai offensé personne. Vous aurez le plaisir de le voir. Et vous vous en réjouirez ; car je sais que vous avez bien servi le feu roi mon père. »

Tout cela avait bonne allure ; et les actes suivirent les paroles. Le 7 juillet, trois jours après la décision prise, à cinq heures trois quarts du matin, le Roi montait en carrosse et partait pour Rouen. Il avait avec lui son frère, Gaston, et le prince de Condé ; tout autour, quatre cents hommes de sa garde ; en arrière, une petite armée improvisée, montant tout au plus à six mille hommes et que commandaient les maréchaux de Schomberg, de Praslin et de Créqui. Le temps était pluvieux ; à deux heures, on était à Pontoise.

Le 8 au matin, les fourriers du Roi arrivèrent tout tranquillement à Rouen, pour marquer les logis à son nom. Cela se fit sans la moindre difficulté. Le duc de Longueville, qui avait préparé le révolte, et qui avait introduit quelques centaines d’hommes dans la ville pour résister au besoin, fit venir les fourriers. Il leur demanda si le Roi venait réellement ; quand ils eurent dit qu’il serait, le lendemain, à Rouen, il déclara qu’il n’avait, donc, qu’à lui céder la place. Il s’enfuit piteusement et tous les chefs de la conspiration, Bourgtheroulde, Saint-Aubin et autres disparurent en même temps.

Le 10 juillet, le Roi fit son entrée à Rouen, sans nulle solennité et avec une simple et naïve confiance dans tout ce peuple qu’on lui avait dépeint comme si redoutable. Son armée était restée