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Loire. Elle était peut-être plus forte et plus résistante encore. Toute la rivière de Vienne, avec Loches, était au duc d’Epernon, qui tenait, en même temps, l’Angoumois, la Saintonge et la rivière de Charente. En avant, Chinon était à la Reine-Mère, sous la capitainerie de Chanteloube. La Trémoille, duc de Thouars et le duc de Retz étaient les maîtres du Poitou qui avoisine la Loire et assuraient les communications avec la Bretagne. Le duc de Rouanès avait sa force principale à Poitiers et aux environs, où il levait des troupes. Plus on s’avançait vers le sud, plus la puissance du parti s’affirmait. Derrière le duc d’Epernon, il y avait le duc du Maine qui, aussitôt rendu dans son gouvernement de Guyenne, avait levé des troupes, s’était assuré de Bordeaux, par la prise de possession du Château-Trompette, de l’embouchure de la Gironde, en s’entendant avec d’Aubeterre, gouverneur de Blaye, et enfin du cours de la Dordogne, par un accord avec le comte de Saint-Paul, oncle du duc de Longueville. Le duc de Rohan, gouverneur de Saint-Jean-d’Angély, surveillait tout le Poitou maritime. Non loin, la Rochelle était en armes et aux écoutes. Plus au sud encore, la Reine-Mère entretenait des relations actives avec le duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc, par l’intermédiaire du duc du Maine, et avec le groupe protestant des Châtillon et des La Force, par le canal du duc de Rohan. Il est vrai que, pris en masse, le parti protestant, contenu par les Bouillon et les Lesdiguières, n’avait pas remué encore. Mais il tenait le Midi tout entier.

En dehors de ce vaste demi-cercle, le parti de la Reine-Mère ne manquait pas de points d’appui. M. de la Valette, fils du duc d’Epernon, commandait dans Metz et pouvait, au besoin, ouvrir le chemin aux renforts venus d’Allemagne et des Flandres. Barbin, qui ne savait pas rester inactif, s’était chargé de recruter, dans le pays de Liège, des troupes destinées à prendre ce chemin. Le duc de Nemours avait envoyé son secrétaire faire des levées de gens de guerre dans le pays genevois ; enfin, la Reine-Mère entretenait des émissaires, à la fois près des protestans d’Allemagne et près du roi d’Espagne. Le conseil des ministres espagnols supputait les chances que lui offrait une situation qui n’était pas sans quelque analogie avec celle qui s’était produite au début de la Ligue.

« Voilà l’état du parti de la Reine-Mère, qui tenoit une filière de provinces, depuis Dieppe en Normandie, jusqu’au de la de la Garonne, c’est-à-dire près de deux cents lieues de long : parti où