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dans le domaine de l’antiquité punique, nous permettent d’espérer encore davantage.

Il ne faut pas se le dissimuler, nous assistons à un des faits archéologiques les plus intéressans qui se soient produits depuis longtemps ; c’est un commencement de résurrection de Carthage. Quand ce ne serait que pour cette raison, il faudrait s’applaudir de la conquête qui a mis entre nos mains la Tunisie, et a donné à ces recherches un puissant essor, en faisant de cette terre historique, pour la science, un champ d’exploration analogue, toutes proportions gardées, à ce qu’a été l’Egypte au commencement du siècle. Le ministère de l’Instruction publique l’a bien compris, quand il a institué la Commission de l’Afrique du nord, qui provoque les découvertes, les centralise, sert de lien entre la direction des Antiquités en Tunisie, les officiers de nos brigades topographiques et les savans auxquels il confie des missions, et qui crée entre tous ces efforts une collaboration dont nous commençons à voir les résultats.

Toute civilisation s’appuie sur celles qui l’ont précédée. Elle met à profit les leçons des choses. L’emplacement des villes et des ports, les routes et le régime des eaux, les mœurs de ceux qui ont, les premiers, cultivé une terre, les lois qui ont présidé à leur développement, sont autant d’indications précieuses pour les nouveaux occupans. La connaissance de la civilisation punique et celle des temps qui l’ont précédée est nécessaire pour comprendre les développemens de la colonisation romaine ; elle explique encore aujourd’hui certains traits fondamentaux que l’on retrouve dans ce mélange de peuples unifiés par l’islamisme. Dans cette étude, il n’est permis de rien négliger, car les choses les plus indifférentes en apparence prennent souvent tout à coup une importance qu’on ne leur soupçonnait pas. Je ne parle pas du plaisir qu’éprouve un esprit curieux des conquêtes de la science à interroger les temps anciens, à reconstituer ce qui n’est plus, à refaire la genèse des peuples, à retrouver des points de contact entre des civilisations fort éloignées en apparence, à expliquer le présent par le passé, et à saisir les liens des choses.


PHILIPPE BERGER.