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Nous voyons ainsi peu à peu sortir de leur tombe tous ces témoins d’une civilisation qui a balancé la fortune de Rome, et qui a laissé un nom dans l’histoire par l’éclat de sa richesse et par l’âpreté de son énergie à poursuivre la conquête du marché du monde antique.


III

On est surpris du silence qui entoure les noms de ceux qui étaient enfermés dans ces tombes. En Égypte, les chambres des hypogées et des pyramides sont couvertes d’inscriptions qui s’alignent tout du long de leurs parois ; les Grecs et les Romains inscrivaient le nom et les titres du défunt sur des stèles qui gardaient son souvenir parmi les vivans. Ici, rien de semblable. Le plus souvent, la chambre sépulcrale et le sarcophage lui-même ne portent aucune mention de celui qui y est enseveli. Quelques rares plaques mortuaires avec une sèche légende : « Tombeau d’un tel, fils d’un tel, » et voilà tout. Encore pas une n’a-t-elle été trouvée en place. Les inscriptions ne se multiplient qu’avec l’incinération ; alors nous voyons les urnes funéraires se couvrir de légendes peintes à l’encre portant le plus souvent le nom de ceux dont elles conservaient les cendres.

Il semble pourtant que ce silence commence à se rompre et que les tombes mêmes se mettent à parler. On se rappelle ce petit médaillon en or, trouvé dans une des plus anciennes tombes de Carthage, et qui portait une dédicace à Astarté-Pygmalion, suivie du nom de son propriétaire : « À Astarté-Pygmalion, Iadamelek, fils de Paddaï. Pygmalion protège qui il protège. » N’est-il pas intéressant de retrouver dans cette antique sépulture, associé à Astarté, le nom de Pygmalion, le beau-frère de Didon, qui joue un si grand rôle dans l’histoire de la fondation de Carthage ?

Dans la nécropole de Bordj Djedid, le Père Delattre a fait, à la fin de l’année dernière, une découverte qui, pour se rapporter à une moins haute antiquité, n’est pas moins intéressante. En déblayant un puits qui s’enfonçait verticalement dans le sol à une profondeur de quatorze mètres, il est arrivé à une chambre mortuaire. Là, au milieu des débris qui l’encombraient, outre les auges qui contenaient des squelettes accompagnés du mobilier funéraire habituel, il a trouvé d’abord quatre petits sarcophages