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À mesure qu’on s’éloigne du centre, les nécropoles deviennent plus récentes. Celle qui forme l’extrémité de la demi-lune, à l’endroit où les collines qui marquaient l’enceinte de la ville du côté du Nord viennent aboutir à la mer, près du fort turc de Bordj Djedid, est beaucoup moins ancienne, mais encore antérieure à la fin des guerres puniques, intéressante surtout par la richesse de son mobilier funéraire, où prédomine l’influence de l’art grec, et par les restes de ces hommes, contemporains de la lutte suprême de Carthage.

Les tombes sont formées le plus souvent d’une ou plusieurs chambres funéraires, reliées par un puits vertical. Elles étaient enfouies profondément dans le sol, dans le flanc même de la colline, sous une épaisseur de huit, dix, et jusqu’à quatorze mètres de terre. Pour y parvenir, il a fallu déblayer des puits comblés, au milieu des éboulemens, faire des conduits souterrains afin d’accéder d’une tombe à l’autre, contourner les obstacles, déplacer souvent ou faire sauter de larges dalles de pierre pour pénétrer dans les chambres funéraires, au prix de mille dangers et de difficultés dont pouvait seule triompher une énergie stimulée par l’espoir de la découverte.

L’une des plus belles tombes de la nécropole de Douimès est celle que le Père Delattre a appelée la tombe de Iadamelek, à cause de ce pendant de collier en or, trouvé auprès d’un des squelettes, et qui portait en caractères phéniciens microscopiques, mais d’une netteté parfaite et de la plus belle antiquité, une dédicace à Astarté-Pygmalion, suivie du nom de son propriétaire.

Le Père Delattre a décrit le spectacle qui s’offrit à ses yeux, quand, après avoir fait un trou dans la dalle de pierre, longue de trois mètres sur cinquante centimètres d’épaisseur, qui recouvrait la sépulture, il pénétra, sous neuf mètres de terre, dans cette chambre encore intacte : « Les parois et même le dallage inférieur avaient été enduits de stuc. Ce stuc, excessivement fin et dur, avait la blancheur et l’aspect cristallin de la neige. La flamme de nos bougies le faisait étinceler en mille points lumineux. Une partie de cet enduit s’était détachée et était tombée en larges plaques sur les squelettes ; une autre partie, ayant conservé toute sa hauteur, demeurait inclinée, semblable à une grande feuille de carton bristol. La densité de ce stuc était telle que, sous les moindres coups, il rendait un son métallique. »