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Vogué, qui mit gracieusement à sa disposition une somme devant lui permettre d’aller de l’avant. Dès lors, sa résolution fut prise et il conçut le plan d’explorer la nécropole creusée dans les flancs de la colline Saint-Louis. Presque en même temps, un ingénieur français dont il faut rappeler le souvenir, M. Vernaz, en reconnaissant le canal souterrain qui part des grandes citernes pour aboutir à la mer, rencontrait sur son passage les premières tombes de la nécropole punique de Bordj Djedid, traversée par l’aqueduc romain.

L’Académie, tenue en quelque sorte jour par jour au courant des découvertes du Père Delattre par M. Héron de Villefosse, qui avait assisté à ses premières fouilles et s’est fait auprès d’elle son avocat, ne lui a ménagé ni ses subsides ni ses encouragemens, et c’est ainsi que peu à peu, en passant d’une tombe à l’autre et d’une nécropole à une autre, il est arrivé à déterminer l’emplacement de trois grandes nécropoles puniques.

Ces nécropoles s’étendent le long des collines qui vont de la chapelle Saint-Louis à la mer, formant un demi-cercle qui entoure le cœur de la cité comme dans les cornes d’un croissant. La vieille ville était-elle tout entière comprise dans cette enceinte ? Elle aurait été de fort petites dimensions ; mais la Rome primitive était, elle aussi, bien peu étendue, et les sept collines sont noyées aujourd’hui dans la masse des rues et des édifices qui forment le centre de la ville moderne. Peut-être aussi s’est-il passé là ce qui se passe pour nos cimetières de Paris, qui, d’abord établis en dehors de la ville, ont fini par y être englobés, sans qu’on cessât pour cela de les utiliser.

Toutes, en tous cas, n’ont pas la même antiquité. La plus ancienne, celle de Douimès, ainsi appelée du nom du terrain qui la recouvre, occupe le point le plus éloigné de la mer, non loin des citernes de la Malga. Elle remonte certainement au vie et même au VIIe siècle avant notre ère. On peut en juger par la présence de ces beaux vases corinthiens, que l’on peut dater à un siècle près, ainsi que par la forme de certaines poteries, en particulier des lampes, encore tout à fait primitives, qui ressemblent à des soucoupes dont on aurait pincé les deux bords de façon à former un conduit pour la mèche. La découverte d’un pendant de collier en or, de la grandeur d’une pièce de dix francs à peine, mais qui porte une légende admirablement gravée en caractères phéniciens du type le plus archaïque, confirme bien cette manière de voir.