Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/613

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est-à-dire à leur interdire toute communication avec le continent, depuis le Sund jusqu’à la mer Adriatique ……………….... Quelle ressource peut-on avoir avec un homme qui dispose à son gré d’une puissance plus terrible que celle même de Charles-Quint, et qui, fidèle à son caractère d’heureux aventurier, jouerait à chaque instant son existence et celle de l’Europe, pour la satisfaction du moindre de ses désirs, de sa plus petite vanité ? On dit que les ministres anglais lui avaient fait remettre une note, portant que la paix n’aurait lieu qu’avec un traité de commerce. Il écrivit au bas : « Condition honteuse, déshonorante pour la France ; plutôt que de nous y soumettre, nous combattrons encore dix ans. » L’Angleterre combattra-t-elle encore dix ans pour l’avantage d’un commerce que cette guerre même pourrait ruiner ? Cela n’est pas probable, et d’après tout ce qu’on vient de lire, il est difficile de penser que la guerre éclate en ce moment.

Quoique nous ayons dit qu’en cas de rupture Bonaparte ne songerait pas à une descente, il n’en est pas moins vrai qu’il en ferait tous les préparatifs. Il couvrirait toutes les côtes de troupes et de bateaux plats, depuis l’entrée de la Manche jusqu’au Texel, et l’on peut juger de l’impression que feraient en Angleterre de telles menaces, jointes à l’occupation du pays de Hanovre et de Hambourg.


Paris, le 8 avril 1803.

………………………….. Il y a quelque temps que le Premier Consul eut envie de connaître un des anciens membres de l’Académie française, rentré dans la 2e classe de l’Institut. Lucien, président de cette classe, fut chargé de le présenter. Bonaparte fut très poli et mit bientôt l’académicien à son aise, en le remerciant d’un travail qu’il l’avait prié de faire, il y a trois ans. Il lui demanda ensuite si l’on achèverait bientôt la nouvelle édition du nouveau Dictionnaire de l’Académie. La réponse fut qu’on ne pourrait guère la donner au public avant 75 ou 80 ans. Bonaparte, qui veut que tout se fasse pour ainsi dire impromptu, fut un peu surpris ; cependant il ne se fâcha pas, et demanda une explication. On lui répondit qu’autrefois l’Académie mettait environ 25 ans à préparer chaque nouvelle édition de son dictionnaire, quoique ses membres fussent habitués à ce travail, et qu’on tînt trois séances par semaine. Aujourd’hui les travailleurs sont moins habiles ; le plan du dictionnaire