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on convint d’une ville neutre. Le Prince écarta toute ville allemande et proposa une ville belge ou suisse. « Un endroit où il n’y a pas de diplomates, dit l’Empereur, vaudra mieux. » On parla de Spa et de Genève ; l’Empereur désigna Zurich, qui fut accepté.

Il était six heures et quart, et, après cette longue conférence, toutes les hésitations renaissaient dans l’esprit de l’Empereur, qui se leva et dit : « Nous sommes loin de nous entendre ; vous ne m’avez pas convaincu et vous ne m’avez rien cédé ; il faut que je réfléchisse et prenne conseil. » Le Prince, persuadé que plus on attendrait, moins on s’entendrait, crut devoir brusquer la solution et dit : « J’ai l’ordre de rentrer ce soir au quartier général ; pour y être à dix heures, il faut que je parte à huit heures et quart, je ne puis attendre la réponse de Votre Majesté que deux heures. Si elle est négative ou évasive, je puis donner ma parole d’honneur que, le 16 août, à midi, la guerre recommencera, bien plus terrible, et que la France fera tous les efforts qu’elle est loin d’avoir faits et se servira de tous les alliés qu’elle pourra trouver, d’où qu’ils viennent. — C’est bien, j’aviserai, vous aurez ma réponse. »

Là-dessus, l’Empereur accompagna le Prince dans une chambre qu’il lui avait fait préparer, où il le laissa avec deux officiers. On lui servit à dîner. Vers sept heures, le général Grünne vint lui tenir compagnie ; ils n’échangèrent pas un seul mot de politique. Devant lui, le Prince envoya le commandant Ragon visiter les blessés français dans les hôpitaux de la ville, puis il ouvrit la fenêtre et cria avec affectation : « Ma voiture pour huit heures et quart. »

À sept heures et demie, l’Empereur entrait dans la chambre et ils restèrent seuls : « Je vous apporte, dit-il, la réponse. Je ne puis modifier grand’chose à mes premières propositions. Vous n’appréciez pas assez le sacrifice énorme que je fais en cédant la Lombardie, » et il lui remit la rédaction ci-jointe, dans laquelle il avait introduit les changemens discutés :

« Entre Sa Majesté l’Empereur d’Autriche et Sa Majesté l’Empereur des Français, il a été convenu ce qui suit : Les deux Souverains favoriseront la création d’une Confédération italienne. — Cette Confédération sera sous la présidence honoraire[1] du

  1. Ce mot retranché fut rétabli.