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saint François de Sales, tombant, de ses Alpes candides, dans cet étrange lieu : « C’est un amas de guêpes acharnées sur un corps mort, » et il ajoute, non sans ingénuité, que, s’il se sert de ces expressions « c’est pour en parler honnêtement. »

Richelieu, ne se sentant pas le maître à Tours, ne s’y plaisait pas. Tout le monde était las de ce séjour prolongé. Enfin, on le rompit et le Roi reprit le chemin de Paris par Amboise, tandis la Reine prenait celui d’Angers par Loches. Chacun rentrait chez soi, à la grande satisfaction de tous et de chacun.

En quittant Loches, Marie de Médicis passait par Chinon. Ce détour n’était pas une simple promenade. Peut-être était-elle attirée dans ces parages par le voisinage du château de son cher Richelieu ; mais, sûrement, elle n’était pas fâchée de donner à la Cour quelque tablature en s’approchant de Loudun. En effet, les protestans y tenaient alors une assemblée où commençaient à percer les premiers germes de leur prochaine rébellion. De part et d’autre, on se cherchait, comme d’instinct, sans en venir pourtant à l’entente déclarée.

C’est dans le même esprit que la Reine fit en sorte que son entrée à Angers prit le caractère d’une manifestation imposante et quelque peu menaçante. Elle y arriva par les Ponts-de-Cé, le 16 octobre 1619. Dix mille hommes en armes, dont huit cents gentilshommes à cheval, ayant à leur tête le gouverneur sortant Boisdauphin et le nouveau gouverneur La Porte, vinrent au devant d’elle, et la reçurent au milieu d’une immense acclamation. La municipalité, qui lui était toute dévouée, lui avait aménagé une résidence magnifique et avait affecté à son usage l’un des plus élégans hôtels de la ville. C’est le « Logis Barrault, » dont le joli cloître soutenu par un portique en anse de panier, les tourelles minces, les escaliers à vis et les pignons fleuris donnaient, alors, dans l’éclat de leur construction récente, l’idée de la vie élégante et fine que l’on menait dans ces heureuses contrées. C’est dans les salles longues et surbaissées, sous les poutrelles de cette jolie demeure, c’est au coin de ces cheminées en auvent que la Reine vit, peu à peu, s’achever l’automne et venir l’hiver, parmi l’empressement d’une cour de plus en plus nombreuse, mais aussi parmi les déboires accumulés des nouvelles qui lui arrivaient de Paris.

Avant même de quitter la Loire, on avait nommé gouverneur de Monsieur, frère du Roi, le colonel d’Ornano, homme tout dévoué