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C’étaient, encore une fois, les affaires du temps du maréchal d’Ancre qui revenaient sur l’eau et ces souvenirs ne lui étaient pas agréables. Il était trop clairvoyant pour ne pas se rendre compte que la rentrée à la Cour d’un personnage aussi influent et aussi actif qu’Henri de Bourbon serait un obstacle et un délai de plus pour sa propre carrière. Il devait le trouver, en effet, bien souvent sur son chemin.

Mais, pour le moment, ce qui lui tenait au cœur, c’était ce dont il ne pouvait pas parler : le chapeau. La reine Marie de Médicis avait présenté, elle-même, au Roi le dangereux concurrent qu’on lui avait découvert dans la personne de son excellent ami, La Valette. Il s’inclina de bonne grâce et il rédigea lui-même la lettre par laquelle le Roi recommandait instamment l’archevêque de Toulouse au Saint-Père. Sa correspondance avec La Valette paraît même indiquer une sorte de disposition à prendre son parti des événemens et à se contenter de figurer au second rang sur la liste des candidats français. Mais il faut reconnaître que, si ces dispositions étaient sincères, elles s’exprimaient dans un style singulièrement pénible : « Vous n’attendez pas, écrivait l’évêque de Luçon à l’archevêque de Toulouse, que je m’assure de paroles de moi qui vous témoignent mon affection : aussi n’entreprends-je pas de vous en donner, les meilleurs effets n’étant pas trop bons pour cela. Mon malheur est que, si je remets à vous la faire voir par ces moyens, vous serez longtemps sans la connaître, étant, quoique bon catholique, inutile à tout bien comme les Huguenots, etc. » Que de peine !

La Valette, dont les réponses sont claires, simples et affectueuses, prenait-il ces déclarations pour argent comptant ? Je ne sais. En tous cas, le vieux d’Epernon ne s’y trompait pas, et, à quelque temps de là, il écrivait à son fils, en son gascon : « Mon boun et cher fils, je vous fes ses mots pour vous dire que je souis en peine de s’avouer de vos nouvelles… Ouant à la Reyne-Mère, il y faut vivre de la sorte qu’elle n’aye nul subject de se plaindre de nous… Je sçay que M. de Lusson vous traverse autant qu’il peut, quelque bonne mine qu’il face, ny quelques bonnes paroles qu’il vous donne ; non que je sois d’avis que vous viviez avec luy que comme vous avez accoutumé ; mais, que vous parliez à M. de Luynes pour éviter les inconvéniens, vous pouvez, à mon opinion. » On le voit, toute la Cour n’était qu’intrigue. Les positions et les dispositions changeaient du soir au matin. Selon le mot de