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brouilleries… Son but est d’approcher le Roi, mais avec amour et confiance de l’un et de l’autre… Or, il faut du loisir et du temps pour réparer le mal qui s’est fait. »

Tout ceci est très clair, quoique très fin. La Reine doit faire entendre qu’elle veut se rapprocher du Roi. Mais, avant tout, elle doit garder sa liberté d’action, dans une « demeure sûre et libre. » Cette phrase avait déjà dicté toute la conduite de Marie de Médicis durant la négociation qu’elle avait menée elle-même avec le comte de Béthune. Dans ses conversations, elle avait appuyé sans relâche sur la sûreté qu’elle réclamait du Roi. Sûreté, que veut dire ce mot ? Béthune insistait. Il voulait la faire parler. Mais elle ne sortait pas de sa formule ; elle voulait évidemment qu’on la comprît à demi-mot, pour qu’on lui fît des propositions. Et c’est ce à quoi la Cour, de guerre lasse, avait fini par se résoudre : dès le 8 avril, comme on envoyait vers elle le cardinal de La Rochefoucauld, on donnait à celui-ci des instructions catégoriques sur ce point : « Sa dite Majesté considérant que, jusqu’à présent, la qualité que la Reine a eu, en sa personne, de gouverneur de la province de Normandie, a été plutôt pour en porter le nom que pour en faire aucune fonction, Elle lui veut commettre effectivement la charge de gouvernement d’une province à laquelle elle puisse commander sous son autorité et même lui donner dans icelle la charge de quelques places pour s’y retirer quand bon lui semblera. Pour cet effet, M. le cardinal lui proposera, qu’en remettant ès mains de Sa Majesté le titre qu’elle a de gouvernante de Normandie, Elle lui fera bailler le gouvernement de la province d’Anjou, avec le château d’Angers, pour le faire garder par telles personnes qu’elle voudra nommer à Sa Majesté… et néanmoins Sa Majesté donne à M. le cardinal le pouvoir de lui offrir encore, avec cela, la garde des Ponts-de-Cé sur la rivière de Loire, ou, si elle estime peu ledit Pont-de-Cé, il pourra se relâcher, au lieu d’icelui, de lui bailler la garde de la ville et du château de Chinon, pour le tenir en la même forme que celui d’Angers. Et si elle ne se contente desdites places d’Angers et de Chinon ensemble, il y pourra encore ajouter celui des Ponts-de-Cé. »

Une fois que la négociation avait pris cette tournure, elle devait rapidement aboutir. Béthune dit, lui-même, qu’il était aidé sous-main « par des personnes approchant la Reine et auxquelles elle a beaucoup de confiance, qui souhaitent contribuer comme