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assemblées. Enfin, au dernier acte, on fera venir un médecin, pour donner à ce genre de description un caractère tout à fait scientifique. Il est clair qu’il reste encore à nous mettre sous les yeux les péripéties de l’accouchement. C’est donc qu’il y a de l’avenir pour notre première scène. La Comédie-Française n’a jamais prétendu ne nous donner que de bonnes pièces ; et on ne saurait le lui demander. Mais elle avait jusqu’ici tenu à honneur de conserver certaines traditions de goût, de tact, de politesse. On ne s’était pas encore habitué à y trouver le ton de la mauvaise compagnie.

Le Torrent a été fort joliment mis en scène et les acteurs tirent tout le parti possible des rôles qui leur sont confiés. M lle Bartet est comme toujours d’une distinction parfaite. La distinction étant, au théâtre comme dans les salons, l’une des qualités qui se font le plus rares, on ne saurait trop louer cette artiste unique de nous en avoir donné tant et de si charmantes images. M. Duflos a de la chaleur, de la conviction dans le rôle de Versannes, et il y est amoureux à souhait. M. de Féraudy dessine avec beaucoup de justesse une figure de curé brave homme. Il a contribué pour sa forte part à faire passer ce rôle déplaisant et à atténuer ce que la situation pouvait avoir de scabreux. M. Le Bargy débite avec mordant les tirades du psychologue Morins. M. Laugier est un bon mari de comédie. Mlle Muller a beaucoup de jeunesse et de grâce coquette sous les traits de cette petite perruche de Mme Versannes. Enfin M. Coquelin cadet, dans un rôle d’ailleurs tout à fait inutile, a beaucoup amusé. Peut-être seulement l’espèce de solennité avec laquelle on ne peut s’empêcher de jouer à la Comédie-Française a-t-elle fait mieux ressortir encore l’indigence de l’ouvrage.


L’Odéon tient un gros succès qu’il suffit de signaler. Ma Bru, par MM. Fabrice Carré et Bilhaud, est un vaudeville exécuté sur un vieux sujet, d’après des recettes pareillement vieilles, mais dont l’effet est à peu près sûr. Tant qu’il y aura des belles-mères en France, on fera rire un public français aux dépens des belles-mères. La pièce de MM. Carré et Bilhaud enrichit ce cycle et ne prétend pas à le fermer. Il y a beaucoup de verve et de belle humeur dans ce vaudeville, dont le second acte n’a été qu’un long éclat de rire.

Mme Tessandier est très comique dans le rôle de la belle-mère et Mlle Vahne charmante dans celui de la bru. Il faut citer avec éloges MM. Albert Lambert, Marquet, Coste, Céalis, Mlles Kesly et Béryl.


RENE DOUMIC.