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revenans de toutes les vieilles écoles démodées se donnent rendez-vous au dernier Salon du siècle et à côté des paysages inamovibles de M. Paul Flandrin, on voit réapparaître paisiblement les bestiaux de Mme Rosa Bonheur.

La réaction s’accuse, non seulement dans les sujets, mais dans la facture même. L’effort naguère tenté par les impressionnistes pour la lumière, le scintillement et la couleur crue, s’est arrêté net. La jeune école fait franchement machine en arrière. Le train lancé jadis à toute vitesse vers le pays de la lumière renverse sa vapeur et rentre lentement dans les brouillards gris, jaunes et noirs de l’école romantique. C’est le domaine où s’acheminent les nouveaux peintres d’avant-garde : MM. Cottet, Duhem, Le Pan de Ligny, Leempoels, Guiguet, Rœderstein, Muenier, Le Sidaner, Lucien Monod, Marcette, Melchers, Moullé, Piet, Courtois, Griveau, Vail, Ménard, Simon, tandis que M. Carrière continue d’habiter les fins brouillards qui noient les mains, les pieds, et la moitié des têtes.

Où sont les prophéties de l’Impressionnisme ? Le soleil est proscrit des salles les plus « modernistes » de la Société nationale, ou du moins n’éclaire-t-il plus que de rares carrés de peinture çà et là. La lumière est l’ennemie. On la filtre comme une eau impure. On la dose comme un poison. Si M. Lobre veut peindre le salon de Madame Adélaïde, fille de Louis XV, au château de Versailles, il commence par fermer les volets. Ce n’est plus M. Claude Monet ou M. Roll qu’on suit. C’est M. Whistler et c’est Gustave Moreau. Leurs reflets noirs ou fauves palpitent dans des centaines de miroirs. Puis, quand la nuit est faite, on allume discrètement des lueurs jaunes ou vertes, qui réchauffent sournoisement un coin du visage. Les vieilles recettes du clair-obscur, les bitumes maléfiques, les flacons oubliés des maîtres de 1840, sont tirés de « l’armoire » où M. Stéphane Mallarmé avait cru à jamais enfouir « l’hiéroglyphe dont s’exalte le millier. »

Quand, tout imprégné de ces tendances nouvelles, on entre au Salon de la Société des artistes français et qu’on aperçoit au milieu d’un panneau un portrait de petite fille aux colorations farcies et chaudes, signé Hébert, on se demande si l’on n’est pas encore en présence d’un « jeune » dont le portrait se trouve peut-être parmi ceux qu’a groupés dans une même toile M. Lucien Simon. Le livret et les souvenirs vous avertissent que non. Il s’agit de l’enchanteur mystérieux, du vieil et grand alchimiste aux