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plus indépendant. C’est un internat. Les Pères y ont donc l’entière responsabilité des garçons qu’on leur confie et se trouvent libres d’appliquer l’intégralité de leur système. Katwyck est un bourg situé sur la mer du Nord, non loin de Leyde, auquel le relie un tramway à vapeur. Les Hollandais y viennent prendre des bains et les touristes étrangers y sont attirés par les écluses monumentales construites sous le règne du roi Louis pour faciliter l’écoulement des eaux du Rhin. Le fleuve jusque-là se perdait misérablement dans les sables. Le collège est placé à quelque distance des dunes, au milieu d’un beau parc ; il comprend une suite de bâtimens sans caractère, mais spacieux et confortables, à travers lesquels le Père Préfet voulut me servir de guide, répondant à mes questions avec une aimable obligeance. Je n’entrerai pas dans le détail de cette visite ; aussi bien, ce que je venais constater, ce n’était point la perfection de l’installation matérielle, qui ne laisse rien à désirer, mais, si l’on peut s’exprimer ainsi, les reculs de l’antique discipline devant l’esprit d’indépendance, conséquence inévitable de la pratique des jeux athlétiques. Le Père Préfet ne le nie point, cet esprit ; au contraire, il me déclare très franchement que les élèves sont devenus « bien plus difficiles à conduire, » et je vois qu’on a dû leur céder sur plus d’un point. Ils jouent au tennis, au foot-ball, au cricket ; ils forment, pour organiser ces jeux, des associations qu’ils administrent eux-mêmes, et surtout ils convient leurs camarades des gymnases et des écoles moyennes à s’y mesurer avec eux. Nombre des pratiques favorites de la Compagnie de Jésus sont ici tombées en désuétude ; pas de rangs, pas de lecture au réfectoire ; au dortoir, chacun a sa chambrette, son « cubicle, » comme on dit en Angleterre, et l’orne à sa fantaisie d’une profusion de gravures et de photographies. Je remarque qu’ils ne portent point d’uniforme. « Oh ! dit le Père Préfet ; on ne pourrait leur imposer cela ; ils n’y consentiraient jamais ! »

À Stonyhurst et à Beaumont, près de Windsor, comme à Saint-Louis et à Georgetown, aux États-Unis, où les Jésuites ont d’importans établissemens d’éducation, j’avais noté déjà cette déroute du vieux système disciplinaire. Mais, dans les pays anglo-saxons, la poussée générale l’a vaincu ; son maintien semblerait un défi à la pédagogie nationale. Ici, ce sont les collégiens eux-mêmes qui l’ont fait plier. Tous ces changemens, ces plaisirs nouveaux et sains introduits dans leur existence, tout cela est leur œuvre. Ils l’ont accomplie, d’après ce que je vois et ce que j’entends, avec