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Les ordres de l’Empereur s’exécutent avec précision, impétuosité, succès. Baraguay d’Hilliers se raidit encore plus que de coutume, Mac-Mahon se surpasse, Niel se révèle, Lebœuf se multiplie. Solferino est emporté par Forey, Bazaine et Camou. Mellinet se dirige sur Cavriana ; Camou, son inférieur en grade, qui le précède, vient se placer derrière lui. « Non, lui répond Mellinet, je vous suivrai ; vous étiez là avant moi. » La Motterouge, l’indomptable, prend le mont Fontana ; Lebœuf, dont l’artillerie est partout l’âme invincible du combat, fait hisser des canons sur les pentes abruptes, et porte le dernier coup : Cavriana succombe.

Les Autrichiens, superbes de valeur, ne se découragent pas et essayent de reprendre, à gauche sur Victor-Emmanuel et à droite sur Niel, la victoire qui leur a échappé au centre. Selon leur coutume les Piémontais se battent en vaillans, mais ils s’engagent mal ; quoique plus nombreux que les Autrichiens, ils sont toujours en moindre nombre sur les points d’attaque. Benedek repousse vigoureusement leurs avant-gardes des hauteurs de la Madonna della Scoperta et de San Martino, et, s’il ne s’était pas cru obligé de subordonner son mouvement à celui du centre, il les eût poursuivis jusqu’à Lonato. L’Autrichien WimpfTen est moins heureux contre Niel. Il ne réussit pas à le débusquer de la Casa Nuova, mais l’oblige à des efforts violens. Si, à ce moment, Canrobert avait cessé de regarder du côté de Mantoue, si, au lieu d’envoyer parcimonieusement au secours, à neuf heures et demie la brigade Jeannin, à midi et demi la brigade Trochu, il fût accouru tout entier au premier appel, notre victoire eût été plus rapide, moins chèrement achetée, plus complète. Cependant son intervention, quoique tardive, fut efficace.

À quatre heures, la déroute autrichienne était aussi complète à droite qu’au centre, et l’empereur François-Joseph donnait l’ordre de la retraite. Le ciel se mit alors de la partie : un effroyable cyclone de vent, d’eau, d’éclairs, de tonnerre, de poussière, de pierres s’éleva du lac de Garde et fondit sur le champ de bataille, saccageant les cultures, déracinant les arbres, soulevant les hommes sur les chevaux. On ne distingue rien à dix pas. Sauf les Autrichiens qui en profitèrent pour accélérer leur retraite, chacun demeura