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32 000 hommes de Canrobert et Niel auraient affaire aux 49 000 de Schwarzemberg, Schaffgotsche et Veighl.

De deux heures à quatre heures du matin, nos quatre colonnes se mettent en mouvement ; elles ne tardent pas à rencontrer des détachemens ennemis ; sur toute la ligne, de petits engagemens deviennent vite de sérieuses mêlées : Canrobert prend Castel-Goffredo, Niel Medole, Mac-Mahon Casa Nuova, Baraguay d’Hilliers le mont Fenile. De tous les corps, des messagers sont expédiés au quartier général, à Montechiaro.

L’état-major assistait, dans la petite église du village, aux obsèques d’un aide de camp de l’Empereur, le général de Cotte, frappé l’avant-veille d’un coup d’apoplexie ; chacun sort précipitamment. L’Empereur avait déjà fait communiquer à Canrobert l’avertissement vague envoyé par un notable d’Assola qu’un voiturier avait vu un corps autrichien, jugé fort de 20 000 à 30 000 hommes, sortir de Mantoue ; il l’avait invité à bien faire observer le côté indiqué. Aussitôt averti des rencontres avec les Autrichiens, il ordonne à l’infanterie de la Garde d’accélérer son mouvement sur Castiglione, et à la cavalerie, qui ne devait se mettre en route qu’à neuf heures, de partir le plus tôt possible ; lui-même gagne en voiture Castiglione et monte sur le clocher (sept heures et demie).

La logique ne permettait pas d’admettre qu’après avoir laissé notre armée passer tranquillement la Chiese, s’emparer sans coup férir de sa rive gauche et des magnifiques positions qui la dominent, les Autrichiens vinssent livrer la bataille, le Mincio à dos, dans une situation bien moins avantageuse que celle qu’ils occupaient peu de jours auparavant. Aussi la plupart des officiers inclinaient-ils à penser qu’on n’avait devant soi que des reconnaissances. « Vous vous trompez, dit l’Empereur, c’est une bataille générale. » Il descend, et, suivi de deux officiers, galope vers Mac-Mahon, lui donne ses instructions, puis va vers Baraguay d’Hilliers, sur le mont Fenile. De là, il embrasse toute l’étendue du champ de bataille. À gauche, les Piémontais sont en train de reculer devant Benedek, maître de San Martino ; à droite, Niel se maintient difficilement contre de furieuses attaques, et Canrobert regarde vers Mantoue si les Autrichiens arrivent. Au centre, Baraguay d’Hilliers, qui, comme à Melegnano, avait débuté en jetant ses troupes sur des positions crénelées, réparait sa bévue en faisant abattre par le canon les murs du cimetière de Solferino.