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de la dévotion ainsi entendue n’était pas qu’au lieu de le rapprocher de la princesse sa femme, elle contribuait au contraire à l’éloigner de lui. Nous arrivons ici à un point douloureux de la vie du duc de Bourgogne qu’il nous faut nécessairement toucher.


IV

« Mon mari m’adore, et moi, je l’aime fort, » écrivait Mme de la Fayette à Ménage en parlant de ce mari mystérieux qui devait disparaître si tôt complètement de sa vie. La duchesse de Bourgogne aurait pu écrire la même chose. Le duc de Bourgogne l’adorait. Elle se contentait de l’aimer fort et vivait avec lui sur un pied d’affectueuse camaraderie. Au dehors, la meilleure intelligence semblait régner entre eux. Le duc de Bourgogne ayant, au commencement de l’année 1701, accompagné son frère jusqu’à la frontière d’Espagne, il fut absent plusieurs mois. Dangeau raconte ainsi son retour : « Mme la duchesse de Bourgogne avait fait porter son dîner chez Mme de Maintenon, quoique Mme de Maintenon n’y fût pas, parce qu’on voit de sa chambre dans l’avenue, et qu’elle vouloit avoir le plaisir de voir arriver Mgr le duc de Bourgogne de loin. Dès qu’elle l’aperçut dans l’avenue, elle alla chez le Roi l’attendre. On ne peut pas témoigner plus de joie qu’ils n’en ont témoigné l’un et l’autre de se revoir… Le soir après souper, le Roi les envoya coucher, Mme la duchesse de Bourgogne et lui, un moment après qu’ils furent arrivés dans le cabinet[1]. » L’année suivante, quand il revint de sa première campagne, la réunion ne fut pas moins tendre. « Mgr le duc de Bourgogne qu’on n’attendait que demain, selon ce que le Roi avait dit à son lever, arriva un peu avant minuit. Il monta chez le Roi par le petit escalier de la garde-robe et entra dans la chambre de Sa Majesté dans le temps que l’on sortoit du grand coucher. Il fit une révérence très profonde au Roi qui lui dit : « Embrassez-moi donc, » et le Roi l’embrassa très tendrement. Après une fort courte conversation, le Roi lui dit : « Allez vite chez la duchesse de Bourgogne qui vous attend avec beaucoup d’impatience. » Cependant Mme la duchesse de Bourgogne, avertie promptement de son arrivée, courut dans le cabinet du Roi par la galerie, quoique fort

  1. Dangeau, t. VIII, p. 83.