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est pour nous l’incarnation du despotisme. — Qu’on nous donne des explications. Jusque-là, du cœur nous votons pour l’Italie, mais notre main retient son vote. Heureux si, en présence de ce noble pays délivré et uni, nous sommes contraints de reconnaître que nos défiances ont été injustes ! — La guerre commence dans les conditions les plus favorables s’il est vrai, ainsi que l’attestent les documens officiels, que l’Angleterre, la Russie et la Prusse abandonnent l’Autriche. Nous ne nous croyons donc pas encore obligés aux approbations aveugles que les périls suprêmes autorisent seuls. »

Ce discours inattendu surprit; on n’y répondit pas sur l’heure. Plusieurs jours après, seulement, la discussion reprise, Anatole Lemercier interrogea sur les intentions à l’égard du Saint-Père, et réclama l’assurance qu’on ferait respecter, quoi qu’il arrivât, son indépendance et ses États. Le président du Conseil d’Etat, Baroche, promit tout ce qu’on voulut : « Aucun doute n’était possible à cet égard. » — Plichon, homme de vaillance et de loyauté, ne se contenta pas d’interroger et de provoquer des assurances. Il exprima résolument un blâme qui était dans la pensée d’un grand nombre de ses collègues, quoique aucun d’eux n’eût osé le manifester. « Il existe, dit-il, très peu de points de contact entre moi et M. Emile Ollivier. Nous sommes placés aux pôles opposés de la politique. Cependant je suis d’accord avec lui en un point, c’est qu’il est intolérable, pour un pays qui a si longtemps vécu de la vie politique entière, d’en être réduit à apprendre de l’étranger les nouvelles qui l’intéressent. Il est plus intolérable encore que des questions touchant l’avenir du pays soient engagées, tranchées, au point de ne plus laisser au Corps législatif la liberté de ses résolutions. Si nos troupes n’avaient point passé la frontière, que l’honneur du drapeau ne fût pas engagé, j’aurais dit non. J’ai voté et je voterai avec tristesse, et surtout avec la conviction profonde que le gouvernement a engagé sans nécessité le pays dans une guerre pleine de hasards et de périls pour des résultats au moins incertains. Ce n’est pas seulement la sécurité extérieure qui pourrait être compromise, mais encore la paix intérieure : on ne saurait être révolutionnaire en Italie et rester conservateur en France et à Rome. »

Une portion de la majorité protesta contre ces paroles, qu’elle eût, quelques semaines auparavant, couvertes d’applaudissemens. Baroche se récria: « La France n’avait ni cherché ni voulu la