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préparent les promotions, les mouvemens administratifs, on sent çà et là des points de résistance, des obstacles indéfinis, des nécessités inavouées, des impossibilités inexplicables : c’est rue Cadet que la clef de l’énigme est cachée. Et l’Etat laïque supporte que, dans cette assemblée mi-politique mi-religieuse du Grand Convent, on puisse saluer au passage, en 1898, 21 directeurs d’écoles ou instituteurs, 14 professeurs, 9 employés des finances ou des postes, 6 employés des ponts et chaussées; — et nous pourrions continuer l’énumération.

On se rappelle l’invitation mal déguisée que M. Léon Bourgeois, parlant à Neuilly en 1895, adressait aux fonctionnaires[1] : la maçonnerie acclame, en eux, de précieuses recrues : ils ne sont pas, eux, comme les députés, qui, une fois ministres, deviennent souvent, au témoignage de M. Mamelle, « aussi égoïstes que puissans[2] ; » ils ont toujours à la solliciter, ou à la redouter. Dans l’armée même, elle a tenté de s’étendre : on écouta deux « frères, » au convent de 1897, discuter longuement sur la réduction du service militaire[3], après avoir, sans doute, échangé l’uniforme de la France contre la toilette maçonnique ; et le convent de 1898 comptait parmi ses membres deux officiers de l’armée active, qui, pour éviter tout ennui, « laissèrent estropier leurs noms dans la liste des délégués[4]. » Mais les « graines d’épinards, écrivait récemment la Revue maçonnique, n’aiment généralement pas les démocraties[5] » ; les fonctions civiles sont beaucoup plus accessibles à l’embauchage maçonnique que la hiérarchie militaire : la maçonnerie y trouve un motif nouveau pour être la gardienne vigilante de la « suprématie du pouvoir civil. » Entendez, sous ce mot : pouvoir civil, l’autorité politique, et elle seule; car la maçonnerie semble aimer assez peu les corps constitués autonomes, où la valeur professionnelle classe l’individu : c’est ainsi que, la question de la nomination des instituteurs par les inspecteurs d’Académie s’étant posée au convent de 1897, M. Rabier la fit évincer en disant à mots couverts (et plusieurs points interrompent le compte rendu) : « Il y

  1. B. G. O. juin 1895, p. 95-97.
  2. Revue maçonnique, mars 1899, p. 58.
  3. C. R. G. O., 20-25 sept. 1S97, p. 271-282.
  4. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 183.
  5. Revue maçonnique, juin 1896, p. 140. — Cf. d’autres appréciations maçonniques hostiles à l’année, dans la même revue, décembre 1895, p. 265-270, et n° de novembre et décembre 1897.