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Aussi la maçonnerie, se sentant parfois importune, n’a pas dédaigné de se commettre de plus en plus ouvertement avec une fraction de la gauche, afin de demeurer une force parlementaire; et cette fraction-là, du moins, est absolument maîtrisée. La création du Groupe fraternel d’études en juin 1885, sous la présidence de M. Barbe, député radical de Seine-et-Oise, inaugura cette politique. On la poursuivit en expulsant des loges tous les fauteurs du boulangisme[1]. Puis on projeta, en 1894, au Congrès des Loges du Midi, de former un atelier au Palais-Bourbon, où seuls les députés seraient admis[2] : la proposition fut ajournée. Mais, en juin 1895, tous les députés maçons furent convoqués rue Cadet, chambrés deux heures durant, et M. Blatin constata chez eux « une grande fidélité pour la doctrine maçonnique, un très grand désir de servir les intérêts maçonniques; » aucune indiscrétion ne fut commise sur cette réunion, grâce aux «formes strictement rituéliques des travaux[3]. » Et nos députés maçons reprirent le chemin du Palais-Bourbon, ayant superposé au mandat public qu’ils avaient sollicité du suffrage universel le mandat occulte qu’ils avaient accepté de leur « frère » M. Blatin, — éconduit, lui, en 1893, parle suffrage universel. Leur obéissance semblait si parfaitement apprivoisée, que lorsque au convent, trois mois après, MM. Pochon et Cocula demandèrent que les députés indociles fussent exclus des loges, la précaution fut jugée superflue. En revanche, en 1897, on se préoccupa d’avoir prise sur les candidats; et le programme anticlérical et radical des loges parisiennes leur fut imposé comme un minimum[4]. Aussi n’est-ce point un paradoxe de soutenir, comme le faisait il y a sept ans déjà, dans un livre toujours digne d’être consulté, M. Copin-Albancelli[5], que la maçonnerie est plus adéquatement représentée, dans notre Parlement, que ne le sont les collèges électoraux. Les électeurs donnent, pour quatre ans, un blanc-seing à leur député; la maçonnerie, elle, de temps à autre, envoie des « indications » aux frères du Palais-Bourbon[6]. Vote rapide de la loi sur le monopole des inhumations, vote d’une loi interdisant le droit de suffrage aux membres des congrégations religieuses,

  1. B. G. O., nov. 1890, p. 706-709. et déc. 1890, p. 730-731.
  2. B. G. O., août-sept. 1894, p. 111.
  3. B. G. O., juin 1895, p. 88 et août-sept. 1895, p. 201.
  4. C. B. G. O., 20-25 sept. 1897, p. 225 et suiv.
  5. La franc-maçonnerie et la question religieuse. Paris, Perrin.
  6. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 344.