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du despotisme[1], » on note avec intérêt l’origine des cris d’alarme dont le militarisme et le cléricalisme sont devenus l’objet, et l’on cherche, mais en vain, ce qu’a pu faire le Grand Orient pour rassurer ces loges ombrageuses. Mais nous découvrons, par ailleurs, qu’en 1893, M. Dequaire s’en fut voir le ministre pour l’entretenir de certaines fraudes employées par le clergé[2] ; un « frère » de Versailles les avait, paraît-il, révélées; et M. Dequaire répercuta la dénonciation. La pénombre maçonnique achève enfin de s’éclairer, grâce à un discours du même M. Dequaire, prononcé au convent de 1894 : « Vous avez, disait-il, autorisé le F. Lucipia, toujours si méthodiquement dévoué, à constituer au Grand Orient cette chose qu’il vous disait à demi-mot, qui sera un puissant moyen d’action pour la centralisation habile de tous les renseignemens. Grâce au personnel que vous n’avez pas marchandé à notre Frère, il est incontestable qu’avant peu de temps, nous saurons quels sont les hommes qu’on promène d’un département à un autre pour y représenter la République. Si les groupes républicains se connaissent mal de circonscription à circonscription, c’est à la maçonnerie à leur servir de trait d’union, et, disons le mot un peu terre à terre, d’agence très fidèle de renseignemens[3]. » Ainsi les loges, en 1894, devinrent des agences de renseignemens, avec M. Lucipia comme correspondant. Il y a, dans chacune d’elles, un ou deux personnages qui s’occupent de la police politique; les autres s’abandonnent aux pompes du symbolisme ou aux grandioses abstractions de la philosophie maçonnique; et peut-être seront-ils bientôt étonnés du mouvement de haine auquel la politique maçonnique commencera d’être en butte.

Députés et fonctionnaires, suivant la conduite qu’ils tiennent, sont les bénéficiaires ou les victimes de cette politique : et, chez beaucoup, la lassitude est proche. « La maçonnerie est un sucre qui doit fondre, » disait un orateur à l’un des récens convens[4]. Et longtemps en effet, dans le marais parlementaire, ce sucre a fondu; d’un bout à l’autre de la gauche, il imprégnait les éloquences « républicaines. » Mais il s’est, aujourd’hui, condensé

  1. C. R. G. O., juillet-août 1897, p. 12.
  2. B. G. O., mars-avril 1893, p. 59.
  3. B. G. O., août-sept. 1894, p. 409. — Cf. B. G. O., août-sept. 1895. p. 173 : M. Merchier supplie les loges de constituer partout des dossiers sur les infractions aux lois scolaires.
  4. C. R. G. O., 21-26 sept. 1896, p. 98.