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rappelait une fois encore, — n’ayant rien autre à rappeler, — la lecture sur les budgets contemporains, dont M. Félix Faure avait jadis honoré la loge l’Aménité, et il ajoutait : « Nous aimons à associer à ce souvenir une espérance, l’espérance que ce Frère, en présidant aux destinées de la France, saura rester fidèle à son passé maçonnique, au nom duquel nous ne lui demandons qu’une chose : continuer à servir cette démocratie dont il est issu et qu’il a le devoir de représenter à la magistrature suprême de notre pays. C’est dans ces sentimens, c’est avec le souvenir d’un passé qui ne se peut discuter puisqu’il est fixé dans l’histoire de notre ordre, c’est avec l’espérance que justifie ce passé, c’est avec une confiance raisonnée dans les sentimens démocratiques du Président de la République que je lève mon verre à notre frère Faure, et surtout, dominant sa haute personnalité, à la République française[1]. » Il y avait dans ce toast, avec beaucoup de mauvaise grâce, à côté d’espérances découragées qui n’osaient plus se traduire en sommations, des évocations du passé qui étaient toutes proches d’expirer en menaces. M. Mamelle, président de la Grande Loge symbolique écossaise, but à son tour à la politique de « concentration républicaine » et déplora le fossé qui s’était creusé entre républicains[2] ; et sa loge, la Justice, envoyait secrètement une souscription au Comité d’action pour les réformes républicaines, fondé par MM. Mesureur et Bourgeois[3]. Les sommations de M. Mamelle ne furent ni acceptées ni peut-être connues de M. Méline; et, peu après, MM. Bourgeois et Isambert, reçus en grande pompe par une loge d’Orléans, jetèrent le gant, d’un geste décisif, à la politique de « piétinement sur place » et du « 16 Mai à l’amiable[4]. »

Aussi le convent de 1897 sonna-t-il vigoureusement l’attaque contre le gouvernement du pays. Comme si l’on voulait châtier M. Félix Faure d’avoir rempli ses devoirs de chef d’Etat en secondant les intentions pacificatrices de M. Méline, on ne but point à la santé du Président de la République. « Je ne veux pas parler de celui-là, j’aime mieux le tenir dans le silence[5], » devait s’exclamer, au convent de 1898, M. Urbain, président de la Grande Loge écossaise ; en 1897, on se contentait encore de se taire, sans

  1. C. R. G. O., 21-26 sept. 1896, p. 356.
  2. C. R. G. O., 21-26 sept. 1896, p. 375.
  3. Revue maçonnique, 1896, p. 117.
  4. C. R. G. O., décemb. 1896-janv. 1897, p. 27.
  5. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 439.