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l’amiral Canevaro a désavoué son agent et l’a rappelé. Comme il n’y avait qu’un interprète à la légation italienne, le ministre anglais, sir Claude Macdonald, a été chargé de prendre soin de ses intérêts.

En Angleterre, les journaux ont parlé en bons termes de l’Italie et de ses projets, bien qu’aucun d’eux ne l’ait fait avec chaleur. On ne sait pas trop ce qu’il faut penser des vraies intentions du Times : d’après lui, l’attitude de la Chine viendrait de ce qu’elle ne connaît pas la situation de l’Italie parmi les grandes puissances, explication qui ne paraîtra pas beaucoup plus flatteuse à l’une qu’à l’autre des deux parties. Mais certainement le Times a tort d’insinuer, et même de dire que, si l’affaire a d’abord mal tourné, c’est grâce à l’opposition de la France et de la Russie et aux conseils de résistance qui sont venus à Pékin de Paris et de Saint-Pétersbourg. Heureusement on sait à Rome à quoi s’en tenir sur nos dispositions. Tout cela, d’ailleurs, n’a pas d’importance : il est plus intéressant de connaître la pensée officielle du gouvernement anglais et du gouvernement italien, et nous la trouvons dans les débats parlementaires qui se sont produits dans les deux pays. A Londres, le langage de M. Brodrick a été circonspect et même un peu froid. Le sous-secrétaire d’État permanent au Foreign Office a dit que son gouvernement avait connu le projet de l’Italie, nation amie et alliée, et s’y était montré sympathique ; il a promis d’agir auprès du Tsong-li-yamen pour l’amener à faire une réponse plus conciliante ; mais il a répété à plusieurs reprises que le gouvernement chinois était, en somme, seul maître de la solution que comportait l’affaire. A Rome, à la Chambre d’abord et au Sénat ensuite, l’amiral Canevaro s’est naturellement abstenu d’une pareille conclusion ; il se réserve, au contraire, d’agir par tous les moyens dont il dispose, si le gouvernement chinois ne lui donne pas satisfaction ; mais pour tout le reste il s’est montré parfaitement d’accord avec les ministres de la Reine, et il a témoigné à l’Angleterre une confiance absolue. En attendant, on commence en Italie, au moins dans la presse, à se demander sur quoi cette confiance est fondée, et à éprouvera ce sujet quelques inquiétudes. Il résulte des explications de l’amiral Canevaro, si nous les avons bien comprises, que l’Angleterre a effectivement connu et approuvé les projets de l’Italie, et qu’elle s’est montrée disposée à les appuyer, mais à la condition expresse que les moyens diplomatiques seraient seuls employés ; et l’amiral Canevaro a accepté cette condition. Après avoir pris un tel engagement envers l’Angleterre, qui a donné par-là, contre certains accidens, une sauvegarde précieuse à la Chine, il faut bien avouer que le langage du ministre italien, même