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sommes sortis plus forts, grâce aux mesures prises par nos ministres de la Guerre et de la Marine : c’est ainsi que le mal engendre quelquefois le bien. En un mot, de quelque côté qu’on se tourne, on n’aperçoit que des motifs de satisfaction.

Comment les ennemis de la République ont-ils pu choisir un pareil moment pour conspirer contre elle ? Mais, vraiment, ont-ils conspiré ? Nous ne l’aurions pas cru si M. Dupuy ne nous le donnait pas à croire. Son langage, ordinairement plus familier, devient solennel lorsqu’il parle des velléités révolutionnaires, ou, comme il dit, « des prétentions factieuses de certaines individualités qui rêvent de chimériques plébiscites ou de vaines restaurations. » En lisant ce morceau, nous avons l’étonnement de nous découvrir encore plus optimistes que M. le président du Conseil, car nous ne parvenons pas à nous faire peur à nous-mêmes d’une conspiration qui, en tout cas, n’a pas été bien sérieuse. Il est vrai que M. Dupuy s’empresse de nous rassurer : « Libre à ces individualités, dit-il, de grossir leur rôle et de grandir leur personnage ! Le pays ne se laisse pas prendre à ces gestes et à ces attitudes, et, quelles que soient les épaules sur lesquelles se dessine en lignes indécises et fuyantes le manteau de la dictature ou de la monarchie, il juge les épaules trop faibles et le manteau suranné. » On a trouvé, au Puy, ce passage fort éloquent, et les journaux rapportent qu’il a été très applaudi. Eloquence à part, nous l’applaudirions nous-même si, sous ce manteau indécis et fuyant, nous n’apercevions pas l’intention plus précise de faire croire à un péril, dont on nous aurait sauvés. Le gouvernement actuel, M. Dupuy l’a répété à maintes reprises, est un gouvernement d’union et de concentration républicaines ; or, l’union de tous les républicains, si divers d’ailleurs de principes et de tendances, ne peut se légitimer et se maintenir que si nos institutions fondamentales sont menacées. Il faut donc qu’elles le soient, pas trop pourtant, assez pour qu’on s’en occupe, pas assez pour qu’on s’en alarme. Si nous en jugeons par notre propre impression, M. Dupuy a parfaitement atteint son but : nous le croyons exactement à la hauteur des dangers qu’il nous a révélés.

« Voilà la réalité ! s’est-il écrié. Voilà la vérité ! » Nous essaierons, à notre tour, de les dégager de la situation présente, qui n’est pas tout à fait aussi bonne qu’ont pu le croire les auditeurs de M. le président du Conseil. D’abord, les Chambres ont pris leurs vacances sans avoir voté le budget, et c’est la première fois qu’un pareil fait s’est produit à ce moment de l’année. On avait voté jusqu’ici deux, ou même trois douzièmes provisoires : mais nous sommes à cinq, et, quoi qu’en dise