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clergé, dans sa hiérarchie politique, témoigne la foi de la nation ; elle défend dans ses lois l’esprit religieux contre les entreprises de la philosophie incrédule ; elle subordonne à cet esprit religieux l’intimité de ses alliances extérieures. Cette fidélité au passé, qui survit aux nouveautés du présent et en triomphe, comme la gravitation limite et lasse les écarts du pendule, n’était pas pour déplaire à l’Église, surtout sous les derniers papes. Même quand la France rendait et conservait à Pie IX ses Etats, l’Autriche était plus selon le cœur du pontife ; s’il avait moins à espérer, il avait moins à craindre d’elle, et il se sentait avec elle plus en communion de pensées, plus en stabilité d’intérêts. Ces anciennes sympathies, fort importantes dans un gouvernement traditionnel comme la cour pontificale, se sont accrues de celles que méritaient les constans égards de François-Joseph pour Léon XIII et pour l’Eglise. L’Autriche a donc au Vatican un parti nombreux et zélé, à qui la tâche est facile, quand il rappelle les services rendus par l’Autriche ou à espérer d’elle, et quand il réclame l’extension de son protectorat religieux. Et, si la France laissait tomber de ses mains et briser ce protectorat, c’est l’Autriche qui aurait chance d’en recueillir les plus nombreux débris.

Or, le mépris des politiciens français pour les intérêts catholiques a été le dernier coup, et le plus imprévu, dont nos droits aient souffert. Il répugne au patriotisme de raconter dans les détails cette guerre religieuse qui s’acharnait contre les énergies les plus saines de la France. Il suffit de rappeler l’évidence : au plus fort de la campagne dirigée par les autres peuples contre son protectorat, la France a semblé s’unir à eux contre elle-même, dédaigner le patrimoine qu’ils lui envient tous, et notre plus grand mal nous a été fait par nous. La politique de la France en Orient a fini par travailler contre le dernier des trois privilèges que la France avait jadis ambitionnés, contre le seul qu’elle eût obtenu.

Voilà nos dangers et nos fautes. Il reste à dire ce qu’ils nous laissent encore de forces et d’espérances.


ETIENNE LAMY.