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à la nôtre, et par la généralité de sa prétention est la rivale la plus persévérante du protectorat français. Les couleurs- françaises ont cessé de flotter sur les établissemens que la piété de l’Autriche a fondés dans le Levant. La diversité de ses races lui interdit d’employer au service de ses desseins l’instrument habituel d’influence : un gouvernement qui est contraint de commander ses troupes en six dialectes ne peut aspirer à étendre son action au dehors par la diffusion de sa langue. Mais elle garde disponibles d’autant plus de ressources, et elle sait se faire comprendre à l’aide de la langue universelle, l’argent. La sincérité de son catholicisme, la pompe habile de ses respects l’aident, avec l’opportunité de ses dons, à gagner les ordres religieux ; elle se garde de négliger ceux qui comptent le plus de Français, et, moins les sympathies naturelles lui sont acquises, plus elle s’empresse à neutraliser du moins ceux qui lui sont adverses. Mais elle trouve ses amis les plus actifs et sa véritable force dans les Franciscains. Ces religieux, depuis la guerre de 1870 et la constitution d’une nouvelle Europe, ont subi de l’Italie la confiscation de leurs biens, de l’Allemagne le Culturkampf, de la France la fermeture de leurs couvens : l’Autriche n’a troublé ni leur conscience, ni leur vie. Par les égards ainsi gardés envers l’ordre qui a la Custodie des églises latines, l’Autriche s’est assuré dans maintes paroisses de l’Empire turc la bienveillance du clergé. Elle obtient, à toutes les occasions qu’elle sait saisir sans les violenter, le partage des privilèges accordés par l’Eglise aux consuls de France ; ici, un fauteuil dans le chœur, là, des prières pour Sa Majesté Apostolique, ailleurs les honneurs de l’eau bénite et de l’encens, toutes les apparences que le regard des foules contemple, tous les riens dont est fait le prestige.

Si les religieux d’Orient inclinent à payer à l’Autriche leur dette de sympathie, fût-ce avec les droits de la France, des raisons de même ordre disposent à Rome l’Eglise elle-même à beaucoup de tolérance pour ces usurpations. De tous les États catholiques, l’Autriche est celui qui a le moins détruit les institutions introduites aux siècles de foi par l’Eglise dans la société chrétienne. Elle a condamné par ses actes, avec autant d’éclat que Rome par ses doctrines, l’esprit révolutionnaire. Elle n’a jamais excité par ses exemples, elle a toujours été prête à réprimer par ses armes les attaques au pouvoir des souverains pontifes. Aujourd’hui encore, la place faite aux cardinaux, à l’épiscopat, au