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besoin de leur imposer la première pour qu’elle domine bientôt. Comme il y a profit en tout pays à parler la langue des maîtres, et comme il paraît clairement qu’en Égypte toutes les administrations deviennent anglaises, l’intérêt des ambitieux et la naturelle servilité des simples travaillent contre notre langue. L’abandon de celle-ci prépare un échec à l’influence catholique. L’Égypte s’instruisait auprès de nos religieux enseignans, parce que, Français, ils étaient les meilleurs maîtres de la langue utile à apprendre, et ainsi ils tenaient la population, sinon favorable à leurs croyances, du moins soustraite aux leçons protestantes. Demain, cette population ira aux maîtres anglais pour la même raison qu’elle allait hier aux maîtres français, et, par cela seul, se trouvera soustraite à l’influence catholique et placée sous l’influence protestante.


III

Enfin, comme si ce n’était pas assez que le protectorat de la France soit amoindri par les adversaires du catholicisme, il lui est contesté par des puissances catholiques elles-mêmes. Les changemens accomplis depuis quarante ans dans l’état de l’Europe ont fourni prétexte à ces nouvelles ambitions. L’Autriche, jetée en 1866 hors de l’Allemagne, a cherché, dans les pays turcs de l’Europe, de futures compensations à ses pertes, et, dès lors, aspiré à accroître ses chances par l’exercice du protectorat catholique dans les régions qu’elle convoite. L’Italie, après avoir, en 1870, achevé son unité par la prise de Rome, s’est proposé de tourner à son profil l’apostolat exercé dans le monde par l’Église romaine. Ce n’étaient là que des espoirs secrets jusqu’au jour où l’Allemagne, encore engagée dans le Culturkampf, songea, au lieu de combattre ses catholiques, à se servir d’eux, argua de leur importance dans l’Empire pour se déclarer puissance catholique, et à ce titre nous disputer la portion intacte de notre grandeur. L’argument fut que le protectorat catholique, remis à la France, dans l’intérêt de la foi, et nécessaire tant que les autres peuples étaient incapables de protéger en Orient leur Eglise, cesse d’être légitime, dès que les puissances catholiques ont la force et la volonté de défendre elles-mêmes leurs intérêts religieux. En affirmant que la protection de ses sujets appartient à chaque État et ne peut lui rester soustraite malgré lui, l’Allemagne a appelé à elle contre nous l’intérêt et l’orgueil des puissances jalouses,