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vénérer la trace de certains faits évangéliques était contestée entre les plus vieux gardiens de la Terre-Sainte. S’ils se contredisaient, il était d’évidence qu’ils se trompaient les uns ou les autres ; faillibles, pourquoi ne se tromperaient-ils pas, même quand ils étaient d’accord ? El si d’aventure, les sanctuaires possédés par les vieilles communions, comme les grandes reliques du christianisme, n’étaient pas les emplacemens véritables du sacrifice divin ? Et si les véritables étaient ces emplacemens dédaignés où la foi protestante aurait été conduite par une prédestination singulière, et où, par un de ces changemens qui plaisent à Dieu, les derniers se trouveraient les premiers ? Jusque-là les querelles entre les sectes sur l’authenticité de tel ou tel lieu étaient des disputes de moines, on s’y combattait surtout à coups de légendes, on s’opposait des miracles, on levait les yeux au ciel pour se disputer la terre. Les protestans ont entrepris à leur compte la guerre avec les apparences de la méthode, de la rigueur, et de l’impartialité scientifiques. Les auteurs profanes et la Bible en main, ils interrogent le relief du sol, fouillent les apports que dix-huit siècles avaient entassés sur la terre foulée par les pieds du Christ, la remettent au jour, mesurent l’étendue de la Jérusalem antique, identifient ses monumens, déterminent la place de ses portes. De ces travaux ils ont conclu d’abord que le Calvaire est hors de la Jérusalem actuelle, et que la croix et le tombeau ont leur place certaine dans des terrains acquis par les Sociétés Évangéliques. Après avoir contredit avec cette hardiesse aux traditions les plus importantes et les plus révérées, ils n’étaient pas hommes à en respecter aucune. Leur campagne de doute attaque un à un tous les souvenirs que le témoignage de la piété séculaire avait consacrés. Par ce combat d’archéologie contre les traditions, les protestans, et en parliculiei : les Anglais qui le mènent, ne revendiquent pas seulement la possession des places les plus augustes dans les Lieux saints. Ils ont conscience qu’ils ébranlent toute l’autorité des Eglises adverses : si elles sont convaincues de s’être trompées sur les faits, comment échapperaient-elles au soupçon d’errer sur les dogmes ? Ces coups portés à Jérusalem les blessent toutes ensemble et partout.


En Syrie, autre terre, autres hommes, autres luttes. Si un million de musulmans forme là aussi le fond de la population, les catholiques viennent les seconds par le nombre et par les pri-