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chrétiennes et d’évangéliser seulement les infidèles. Dès que l’œuvre de charité précédait l’œuvre de foi, l’apôtre n’avait plus à choisir ses catéchumènes. A ceux qui se présentaient il n’y avait plus à demander leur croyance, mais leurs maux. Dans les hôpitaux et les écoles ouverts par les protestans, entrèrent donc non seulement des musulmans et des juifs, mais des orthodoxes, des arméniens et des catholiques. Et quand, parmi ces hôtes soulagés dans leurs détresses terrestres, on chercha les plus prêts à accepter la foi de leurs bienfaiteurs, les chrétiens se trouvèrent les moins rebelles. Leur cœur n’avait pas de mépris, il avait de la gratitude, la simplicité de plusieurs croyait presque ne pas changer, à passer d’un rite à un autre dans la religion du Christ. Les conversions se faisaient presque exclusivement parmi eux. Les protestans récoltèrent où levait la moisson. Et, par un dernier démenti donné à leurs projets, leur propagande est devenue la rivale de l’apostolat orthodoxe et catholique.


Ces caractères généraux de la propagande évangélique s’allient d’ailleurs à une extrême variété d’action. L’autonomie des sectes et des œuvres protestantes accroît la souplesse de leurs mouvemens. Elles cessent de se ressembler où les contrées ne sont pas les mêmes, partout prennent un air du pays, et la diversité de leurs efforts prouve tout ensemble la condition inégale des races indigènes qu’il s’agit de gagner et le génie différent des races européennes qui exercent l’apostolat.


La Palestine est un sanctuaire. Là, toutes les religions qui adorent le Rédempteur s’agenouillent et prient. En face de 800 000 musulmans et de 80 000 juifs, compacts et inébranlables comme le roc, les chrétiens forment à peine le dixième de la population, et se partagent en 60 000 orthodoxes, 25 000 catholiques dont 16 000 indigènes, et quelques milliers d’arméniens. La foi qui les assemble met en contact et comme à l’étroit leurs divergences, et leur acte commun d’amour exaspère leurs jalousies. Pour imposer à l’Islam, pour se défendre contre les agressions des chrétientés rivales, parfois pour assurer le succès de leurs propres violences, ces Eglises ont toujours tenu à grouper autour d’elles aux saints lieux le plus possible d’adhérens. Ils sont des témoins et au besoin des soldats. Or, la Palestine est un pays sans agriculture, sans industrie : sa principale richesse est le tribut