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elles étaient réparties selon les besoins et se complétaient sans se gêner. C’est ce bienfait de l’unité dans la direction et de l’ordre dans le travail que les protestans voulurent emprunter aussi aux catholiques. L’élan de la propagande avait été donné par les Anglo-Saxons, l’effort vers la discipline vint de la Prusse.

Frédéric-Guillaume III, dans les loisirs que lui laissait sa fortune si diverse d’Iéna et de Waterloo/s’était occupé de choses religieuses avec une piété sincère, mais conforme à la loi de sa race, et avait cherché une manière d’honorer Dieu qui rendît le roi plus puissant. Les divisions entre Luthériens et Calvinistes offensaient ses instincts d’alignement ; il avait réuni les chefs principaux des deux sectes, avec ordre de se mettre d’accord, avait lui-même établi les apparences de cette entente, créé des évêques et déterminé leur costume, réglé les détails du rituel, paré de crucifix et de chandeliers la nudité des temples, et envoyé dans ces temples ses soldats des deux confessions abolir leurs divergences par la paix du culte nouveau, et manœuvrer devant Dieu à la prussienne. Quand il mourut en 1840, son fils Frédéric-Guillaume IV hérita de ce mysticisme organisateur. Dès le mois de mars 1841, il envoyait aux puissances chrétiennes une adresse où il les invitait à s’unir pour « améliorer le sort de la Terre Sainte, » et il engageait avec l’Angleterre des négociations pour « rétablir à Jérusalem la vraie catholicité de l’Eglise. » Son père avait tant bien que mal mis d’accord Luther et Calvin : lui, proposa une entente du même genre à l’église anglicane. La Reine et le Parlement consentirent ; le « Jérusalem bishopric act » décida qu’un évêché protestant serait établi à Jérusalem avec juridiction sur la Palestine, la Chaldée, l’Egypte et l’Abyssinie, que le titulaire serait sacré par l’archevêque de Cantorbéry, et désigné alternativement par l’Angleterre et la Prusse. Ainsi commença en faveur du protestantisme une action publique des gouvernemens.

Par cela seul qu’elle unissait les efforts de deux peuples, elle accroissait la puissance du prosélytisme religieux, elle ne ménageait pas une influence politique au profit d’une nation. Ce désintéressement passa de mode quand Guillaume et Bismarck régnèrent. Eux, après avoir étendu le royaume de Prusse en Empire d’Allemagne, voulaient dominer par le commerce comme par les armes et, en attendant la création de colonies nationales, établir, dans les domaines des autres peuples, des centres de vie et d’affaires. Le Levant offrait, à une race prolifique et laborieuse comme la