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ils n’ont jamais admis que personne discutât la leur. Au premier mot, ils la défendent comme ils Font répandue autrefois, par la violence : ils malmèneront les pasteurs. Les protestans virent bientôt qu’à la première œuvre ils épuiseraient leurs ressources, et qu’à la seconde ils risqueraient leur vie, pour un résultat également stérile.

L’expérience, encore là, prononça contre les prévisions. Elle prouva que les hommes capables soit de suivre la vérité au premier appel et pour sa beauté divine, soit de se rendre à la première sommation de l’intérêt et de se mettre ouvertement à prix sont des exceptions ; qu’on a grand’peine à trouver les premiers, et qu’il ne vaut pas la peine de chercher les seconds. La plupart des hommes ne vivent ni si haut ni si bas. Sans doute l’égoïsme est leur conseiller ordinaire et ils ont besoin qu’un avantage personnel augmente l’attraction de leur pauvre moi vers les vérités absolues ; mais ils ont aussi besoin de croire que cet avantage n’est pas la raison déterminante de leur adhésion au bien, et que les mouvemens de leur conscience sont désintéressés. Pour gagner cette conscience, il la faut apprivoiser d’abord par des approches où elle reconnaisse des bontés. La maladie, la misère, l’ignorance n’offrent que trop d’occasions au dévouement. Il soulage sans avilir, il est même un acte de religion puisqu’il fait régner la fraternité entre les créatures de Dieu. La gratitude amène peu à peu ceux qui profitent de ces services au respect des croyances qui produisent ces vertus, et nous aimons bientôt les idées de ceux que nous aimons.

Cette voie plus détournée et plus sûre avait été depuis longtemps suivie par les missionnaires catholiques. En s’y engageant à son tour, l’apostolat protestant prit sa formation définitive. Le sentiment que la méthode efficace était trouvée amena vers 1840 un effort plus général de la Réforme. Des protestans de toute race, de tout rite, de toutes associations, vinrent se joindre aux premiers groupes des Anglais et des Américains. Les œuvres de miséricorde et de savoir eurent un printemps soudain. A cette abondance il n’y eut plus à reprocher que son désordre : chacun, juge de son action, déployait son zèle sans coordonner son effort avec celui des autres. De là, sur certains points, stérile concurrence entre les ouvriers trop nombreux ; de là, sur d’autres points, disette d’actes et d’hommes. Les missions catholiques ignoraient ces maux. Rattachées toutes à une autorité suprême,