Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/831

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

60 000 francs. Aujourd’hui les trois maisons les plus importantes de la capitale réalisent proportionnellement un profit huit fois moindre : 2 1/2 pour 100 au lieu de 20 pour 100.

L’une d’elles, montée en actions et dont les comptes par suite n’ont rien de secret, la société Ch. Bernot, vend annuellement pour 5 millions de francs, sur lesquels il lui reste net 125 000 francs seulement. Encore doit-elle mettre en réserve une partie de cette somme pour parer aux risques imprévus. Parmi ses frais généraux figurent 12 000 francs de primes d’assurances contre les accidens, inévitables dans une industrie qui fait circuler chaque jour des centaines de voitures lourdement chargées. La moyenne est d’un sinistre par jour ; légers accrocs pour la plupart, dont une compagnie adroite sait indemniser les victimes à moindres frais qu’un particulier ne le pourrait faire. L’assurance toutefois ne garantit pas plus de 10 000 francs par personne blessée ou tuée, et un accident mortel, causé par la maladresse d’un charretier, peut donner lieu à des dommages-intérêts incalculables.

Les négocians d’aujourd’hui ont réussi à supprimer à peu près les stocks de marchandises jadis amoncelées dans leurs chantiers ; à peine ont-ils quelques milliers de tonnes de charbon à la gare de La Chapelle ; mais elles se renouvellent sans cesse. La houille, extraite l’avant-veille de la mine, se trouve le surlendemain dans le fourneau parisien. Cependant le trafic des combustibles aurait encore des progrès à faire. Il est, dans la classe opulente, des domestiques qui, non contens des « sous pour livres » traditionnels, exigent un pourboire de 10 pour 100 du montant de la facture payée par leur maître. Ce dernier est-il parvenu à épargner cette commission excessive, en traitant avec un nouveau fournisseur, il peut advenir que le bois de cet intrus refuse obstinément de brûler. Si le marchand est assez fin pour deviner la cause de cette subite incombustibilité, et s’il pénètre à l’improviste dans la cave de son client, il y trouvera peut-être la provision de bûches du lendemain, qu’un fidèle serviteur prend soin de faire tremper durant vingt-quatre heures en des baquets, avant de l’introduire dans la cheminée.

Stratagèmes de peu de conséquence, parce que les privilégiés de la fortune sont seuls susceptibles d’en souffrir. Les escroqueries commises au préjudice des pauvres gens sont beaucoup plus fréquentes et l’active surveillance de la police est impuissante à les réprimer. Le peuple achète sac par sac chez le charbonnier de