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l’objet, le bénéficiaire obtint le monopole de la vente pendant trente ans dans tout le royaume, que personne au reste ne lui contesta. Il se proposait de creuser, près de Brioude, des mines où trente ouvriers eussent travaillé et, pour en véhiculer les produits, de rendre l’Allier navigable.

Dans cette même province, cent cinquante ans plus tard, Je commissaire de la Convention faisait remarquer que les gisemens de Commentry ne donnaient qu’une houille de mauvaise qualité, parce qu’on la prenait trop à la surface. Creusait-on des puits et le charbon se trouvait-il en abondance ? aussitôt il tombait à vil prix, en raison des faibles débouchés qui existaient encore, et l’entrepreneur, ruiné par ses avances, cessait de travailler. Plusieurs mines avaient été ainsi abandonnées sous Louis XVI. La célèbre veine d’Anzin, découverte en 1734, fut bien loin d’enrichir ses premiers détenteurs ; le charbon, éloigné des centres d’extraction, demeurait cher, — 33 francs la tonne à Paris, au moment de la Révolution ; — il commençait pourtant à se répandre et la consommation avait atteint 1 million de tonnes en 1815.

Les besoins, depuis cette époque, ont augmenté sans cesse : 5 millions en 1843, 14 millions en 1860 ; ils sont maintenant de 40 millions de tonnes, dont près d’un tiers nous arrive de l’étranger. En vain les mines françaises se hâtent de s’allonger et de s’étendre, en tissant le réseau de leurs galeries, semblables à des toiles d’araignée gigantesques, la production nationale ne parvient jamais à satisfaire la demande. Nous sommes beaucoup moins favorisés que nos voisins d’Angleterre ou d’Allemagne : les houillères sont, de l’autre côté du Rhin ou de la Manche, plus nombreuses et l’extraction y est en général plus facile. L’ouvrier français tire en moyenne 200 tonnes de charbon par an ; l’ouvrier de Silésie en tire 330.

Parmi les 297 concessions exploitées sur notre territoire, 123 sont en perte ; et si l’on compare le nombre des bras employés au bénéfice global de cette industrie, on voit que le profit annuel est de 360 francs par tête d’ouvrier ; c’est-à-dire que, si l’on dépouillait demain les actionnaires sans indemnité et que l’on distribuât leur dividende aux mineurs, ceux-ci recevraient un supplément de salaires de 360 francs, à la condition que la gestion fût aussi prudente et la discipline aussi régulière. Quant aux mines ouvertes dans l’avenir, leurs artisans n’obtiendraient sans