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destinés aux ménages bourgeois et ouvriers. Ces appareils très simples, consistant en brûleurs logés au-dessus de réservoirs, ne se distinguent entre eux que par la disposition et le nombre de leurs mèches. Le kilo de pétrole donne un tiers plus de calorique que le mètre cube de gaz ; son prix, dans les départemens, est aussi d’un tiers plus élevé que celui du gaz parisien. Il est donc appelé à y rendre les mêmes services ; sans prétendre toutefois lutter avec les combustibles solides pour le chauffage des habitations.

Le gaz et le pétrole, les plus commodes et les plus coûteux en même temps de tous les agens caloriques, reviennent en effet deux fois plus cher que le bois ; et le bois, à son tour, lorsque son prix égale à peu près celui du charbon de terre, est trois fois plus onéreux, parce qu’il chauffe trois fois moins. Employée dans une cheminée ordinaire, chauffant par simple rayonnement, la houille est même six fois plus avantageuse que le bois, parce qu’elle rayonne deux fois plus. Ce résultat théorique, bien que surprenant, est confirmé par l’expérience.

Il se peut qu’esthétiquement la fumée âcre et l’ardeur intense du charbon de terre fassent regretter la flamme claire de la bûche, s’élançant pour ressaisir son léger panache d’ombre qu’emportait le vent ; il se peut qu’ici comme en d’autres domaines le progrès dévêtisse peu à peu la vie de sa robe de poésie. Assis devant les paysages de cendres dorées que formaient les miettes de leurs tisons incandescens, nos pères trouvaient une sorte de compagnie dans ce feu qui évoquait à leurs yeux des images familières : celles d’arbres aux feuillages multiples, depuis les hêtres adolescens à tournure élancée, à taille flexible, jusqu’aux pommiers caducs, courbés en des attitudes tragiques ou humbles.

Le charbon minéral est, lui, d’un autre règne, plus éloigné de nous ; c’est un inconnu, que nous n’avons vu ni vivre ni mourir, comme le chêne. Aussi ne conçoit-on pas la sorte d’existence qu’a jamais pu avoir ce fossile, témoin de révolutions invraisemblables, squelette des temps où la terre vivait en égoïste, pour elle-même, sans personne qui la troublât. Loin, bien loin du soleil d’aujourd’hui, conseiller de paresse pour les hommes et créateur de travail pour les plantes, des rayons anciens dormaient, dans ces cadavres de végétaux étouffés, reposant au sein des couches souterraines du globe. Ces déchets inutiles d’un monde sans date et ignoré ont été précisément, en ce siècle, l’agent