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entre les individus. Cette période finale de l’évolution sera la synthèse des deux précédentes, de l’individualisme et de la subordination à la communauté.

Si la crise sociale en France semble aujourd’hui plus aiguë, c’est en partie que, relativement aux autres peuples, nous sommes des aînés. Nous avons subi des premiers la conséquence des grands changemens politiques et économiques ; nous avons fait de notre propre pays un champ d’expériences. Nous avons agité à nos dépens bien des problèmes qui s’imposeront successivement à tous. Peut-être aussi aurons-nous découvert ou entrevu certaines vérités sociales encore confuses, que l’avenir seul doit mettre en pleine lumière :


En se superposant sans mesure et sans nombre,
Les vérités, parfois, font un tel amas d’ombre,
Que l’homme est inquiet devant leur profondeur.


En présence des grandes questions posées par le collectivisme montant, ce n’est ni l’abstention pure ni la résistance systématique qui conviennent ; c’est un esprit de réformes prudentes et progressives, avec la considération du droit pour règle unique. Toutes les fois que la France se laisse dominer par des idées d’intérêt, ou par des idées de force, de lutte pour la vie, de guerre entre nationalités ou entre classes, elle sort de sa vraie tradition, elle se fait anglaise ou allemande. Qu’elle s’appuie sur l’idée de justice et elle sera fidèle à son propre esprit.


ALFRED FOUILLEE.