l’unité de l’espèce humaine. Il y a, à la vérité, distinction entre la philosophie et la religion ; mais il n’y a pas séparation.
On voit que toute cette première partie du livre de Pierre Leroux n’est pas précisément une réfutation de l’éclectisme, mais plutôt une extension de l’éclectisme. C’est encore à l’éclectisme qu’il prend l’idée de l’unité de l’esprit humain. En supposant que l’éclectisme n’ait pas assez insisté sur ce principe, il n’en était pas moins le fond du système, toutes les doctrines n’étant au fond que les diverses faces d’une même vérité.
La seconde partie du livre comprend la réfutation proprement dite. Elle s’adresse directement à Victor Cousin, et n’est autre chose qu’un long argument ad hominem. Nous écarterons cependant tout ce qui est historique et purement personnel, tout ce qui ne nous fait pas connaître la philosophie de Pierre Leroux : car c’est elle que nous cherchons. Pierre Leroux nous dit qu’il va examiner les idées de M. Cousin sur la méthode, sur la psychologie, sur l’ontologie, sur l’histoire de la philosophie, et enfin sur l’éclectisme en général.
Pour le premier point, on sait l’importance que l’école de M. Cousin attachait à la méthode. Suivant lui, la philosophie serait une sorte de machine appelée méthode ; tandis qu’au contraire la méthode est le produit de la philosophie elle-même. On dit : « Tant vaut la méthode, tant vaut la philosophie. » Donnez la méthode de Descartes à Condillac, croyez-vous qu’il en sortira les Méditations ? Ainsi la première erreur de M. Cousin, c’est d’avoir séparé la méthode de la philosophie elle-même ; une autre erreur, c’est d’avoir vanté par-dessus tout la méthode baconienne, la méthode d’observation. M. Cousin veut faire de la philosophie la rivale des sciences physiques. « La philosophie, une science physique ! s’écrie Pierre Leroux. Ah ! vous n’avez guère profité de vos maîtres allemands ! C’était bien la peine de tant parler du subjectif et de l’objectif ! Mais, dans la physique, l’objet est hors de nous, il appartient à un ordre de vie incommunicable à la nôtre. Dans la philosophie, au contraire, il s’agit avant tout de la vie de moi et de nous, de la vie humaine, soit individuelle, soit collective. La vie subjective se fera donc sentir au sujet d’une manière objective, comme celle des plantes, des animaux et des astres ! » Nous n’avons pas à chercher ici si cette objection est fondée contre Victor Cousin et contre Jouffroy, car nous ne voulons pas entrer dans la controverse ; mais, fondée ou non