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Il faut revenir pour cela à la ligne de séparation que nous avons laissée au 15e parallèle. Ce n’est pas nous qui l’avons interrompue à ce point, mais la Déclaration elle-même : il est vrai que la Déclaration l’a reprise aussitôt pour la prolonger jusqu’à l’intersection du tropique du Cancer avec la frontière méridionale de la Tripolitaine. Si elle ne l’avait pas fait, l’œuvre aurait été très incomplète ; nos possessions dans le centre de l’Afrique seraient restées indéterminées à l’est ; il y aurait eu là comme un trou béant, et les communications entre nos possessions du centre et du nord n’auraient plus été assurées. La continuité entre les unes et les autres aurait été aléatoire, incertaine, exposée à toutes les entreprises du dehors. Il fallait donc compléter cette ligne, et c’est ce qu’on a fait. Seulement, au lieu de la prolonger au nord en partant du 15e parallèle, les signataires de la Déclaration du 21 mars ont procédé en sens contraire. Cette fois, ils sont partis de la frontière de la Tripolitaine pour redescendre au sud ; le second tronçon de la ligne a rejoint le premier ; mais, comme on le voit, rien n’a été négligé pour donner l’impression et pour marquer très nettement, même par un procédé matériel, que l’un était distinct de l’autre, et ne remplissait pas exactement le même objet. Est-ce là une subtilité de la diplomatie ? Non, certes : il y a dans la distinction établie quelque chose de très sérieux. Nos négociateurs n’ont pas voulu confondre l’Égypte proprement dite et le Soudan plus ou moins égyptien, parce que la situation que l’Angleterre occupe dans ces deux régions n’est pas la même, et que nous ne pouvions pas la traiter comme si elle l’était. Au sud du 15e parallèle, c’est le Soudan ; au nord, c’est la vieille Égypte, telle que l’Europe la connaît depuis de longues années. Il est possible, — nous ne le préjugeons pas, — que, par le fait de la guerre et de la conquête, l’Angleterre ait acquis des droits d’une certaine nature dans le Soudan ; mais ceux qu’elle peut avoir en Égypte sont d’une nature différente. L’opinion française, et l’opinion européenne elle-même, auraient eu des réserves à faire, si nos négociateurs s’étaient bornés, après avoir tracé une ligne de séparation depuis la Tripolitaine jusqu’au N’bomou, à dire que ce qui était d’un côté appartiendrait à la France et ce qui était de l’autre à l’Angleterre. Quelle que soit pour nous la valeur du Baghirmi, du Ouadaï et des autres provinces qui viennent de nous être attribuées, nous les aurions achetées trop cher, si nous avions dû renoncer à notre entière liberté dans le concert européen, en vue des éventualités qui peuvent se produire en Égypte. Aussi l’arrangement ne contient-il rien de semblable. « Le gouvernement de la République française, dit-il, s’engage à n’acquérir ni territoire ni influence