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réciproque que lord Salisbury et M. Cambon ont pris au nom de leurs gouvernemens. La ligne est ensuite prolongée au nord jusqu’à la Tripolitaine, mais dans des conditions différentes. Nous allons y revenir.

En attendant, disons un mot de la question commerciale. Le nouvel arrangement étend à de nouveaux territoires le même régime que la convention du 14 juin 1898 avait déjà appliqué aux territoires qui avoisinent le Niger. Ce régime est celui de l’égalité de traitement pour les ressortissans des deux puissances. Les citoyens français et anglais, pour leurs personnes comme pour leurs biens, les marchandises ou produits manufacturés de la France et de la Grande-Bretagne, de leurs colonies, possessions et protectorats respectifs, jouiront du même traitement pendant trente années pour tout ce qui concerne la navigation fluviale, le commerce, le régime douanier et fiscal et les taxes de toute nature. Sous cette réserve, chacune des deux puissances conservera la liberté d’établir sur son territoire tels droits de douane ou telles taxes qui lui conviendront. Nous ne critiquerons pas cette disposition. Après avoir souvent expliqué que le système des droits différentiels, tel que nous le pratiquons, était funeste à la plupart de nos colonies, nous ne sommes pas fâchés qu’on fasse l’essai du système contraire, au moins dans quelques-unes de nos possessions africaines. Loin de trouver que le champ de cette expérience soit trop large, nous le trouverions plutôt trop restreint. Il s’étend de 5° à 14° 20’ de latitude nord seulement. Au-dessus de cette ligne, la France et l’Angleterre reprennent la pleine liberté de leurs tarifs, et elles paraissent disposées à en user aussi bien l’une que l’autre. L’intervalle entre le 5e degré et le 14° 20’ comprend près de 800 kilomètres du cours du Nil. Dans ces 800 kilomètres, nous jouirons des mêmes avantages que les Anglais : mais, à dire la vérité, cela ne nous servira pas à grand’chose, à moins que nous n’ayons l’intention de diriger nos caravanes et nos marchandises sur Djibouti, afin de leur faire suivre jusqu’au bout les traces de l’expédition Marchand. C’est un trajet fort long, hérissé de difficultés de toutes sortes. Il est très bien d’aboutir au Nil, à la condition pourtant de pouvoir s’en servir comme voie de communication et de trouver cette voie libre. Or le gouvernement anglo-égyptien, en prenant possession du Soudan, a annoncé l’intention d’établir une douane à Khartoum, au confluent du Nil blanc et du Nil bleu, et Khartoum est située au nord du 14° 20’, c’est-à-dire de la ligne au j sud de laquelle seulement est établi le régime de l’égalité commerciale. Nous n’avons par conséquent pour garantie, au point de vue de la circulation de nos marchandises sur le Nil, que les traditions anglaises en