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LES
ÉTUDES D’UNE VOYAGEUSE ANGLAISE
SUR L’AFRIQUE OCCIDENTALE

Miss Mary H. Kingsley est une voyageuse intrépide, qui a un goût particulier pour l’Afrique occidentale, pour le littoral du golfe de Guinée. Elle y a été déjà plus d’une fois et se promet d’y retourner. C’est dire que Mlle Kingsley ne voyage pas en touriste ; on ne se promène guère pour son plaisir dans les pays qui ont pour elle tant d’attrait ; il faut avoir des marchandises de traite à débiter, une mission à remplir, ou des curiosités savantes à satisfaire. Ces contrées lointaines portent de beaux noms, Côte-des-Graines, Côte-d’Or, Côte-d’Ivoire, mais elles figurent parmi les régions les plus insalubres du monde : c’est la fièvre qui est la patronne de la paroisse. Vous êtes sûr d’entendre à bord du bateau qui vous y transportera des conversations lugubres, que vous n’oublierez point : « Capitaine, vous souvient-il de X… ? — Pauvre diable ! C’est avec moi qu’il a fait sa dernière traversée, celle dont on ne revient pas. » Pendant que le capitaine déplore la fin prématurée de X…, gaillard au teint frais, de belle espérance, un fonctionnaire, qui est allé passer ses vacances en Europe et regagne son poste, travaille à l’instruction d’un de ses jeunes collègues, qui en est à son premier voyage : — « Avez-vous eu soin d’emporter vos habits de gala ? — Assurément, répond le novice, qui se promet de courir les bals. — A la bonne heure, réplique l’autre, vous en aurez besoin pour assister aux enterremens. » Et il lui explique que la fièvre n’est pas la seule ennemie à laquelle on ait affaire dans l’Afrique tropicale, qu’il faut s’y garder à carreau pour se préserver de la gale portugaise, des abcès, des ulcères, du ver de Guinée et de la petite vérole.