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numériques, résultant de mesures précises ; le hasard n’y a point de place. La théorie se présente donc au premier abord avec un caractère de vérité et de simplicité tout à fait imposant.

Un examen plus approfondi découvre bientôt de graves difficultés. Nous n’avons parlé jusqu’ici que des solutions des substances organiques. Les pressions osmotiques s’y sont montrées proportionnelles aux poids moléculaires de la substance dissoute : cette loi est le fondement même de l’analogie invoquée entre l’état de solution et l’état gazeux. Mais l’expérience a montré que cette loi même ne s’appliquait rigoureusement qu’aux composés organiques et à un très petit nombre de composés minéraux (sels alcalino-terreux dérivés d’une molécule d’acide). La grande majorité des corps solubles par excellence, des sels minéraux, y échappe.

Faut-il donc renoncer à cette doctrine physique séduisante ? Non ; on n’en est pas réduit à une si rigoureuse nécessité. Si les pressions osmotiques exactement mesurées ne sont point en rapport avec les poids moléculaires eux-mêmes, H. de Vries a montré qu’elles étaient en rapport avec une fraction simple de ces poids. Elles sont de 3/2 pour les sels alcalins monoatomiques, de 2 pour les sels alcalins biatomiques, et pour les sels alcalino-terreux bi-acides, de 5/2 pour les sels alcalino-terreux.

C’est ici qu’apparaît toute l’ingéniosité des physiciens lorsqu’il s’agit de sauver ce qu’il y a de plus essentiel dans la science, à savoir la généralité des lois. La loi de l’attraction universelle a été menacée lorsque les perturbations des planètes furent découvertes et que l’on dut reconnaître qu’elles ne suivaient pas exactement les lois de Kepler. Mais les profonds calculs des géomètres ne tardèrent pas à établir que ces perturbations elles-mêmes étaient une conséquence même de l’attraction ; et la loi sortit de cette épreuve avec une consécration plus éclatante. Toutes proportions gardées, il s’est passé ici quelque chose d’analogue.

Sans doute, pour la majorité de ces substances minérales, acides, bases, sels, les pressions osmotiques sont plus fortes qu’il ne faudrait ; elles ne correspondent plus au nombre de molécules que l’on croit exister dans la solution, mais à des nombres plus grands.

Avant de nous résigner à la contradiction, rappelons ce qui s’est produit dans l’histoire des gaz et des vapeurs. Là aussi, l’on a rencontré des irrégularités ; par exemple, dans le cas du